L'Express (France)

Hubert Bouccara : l’ami fidèle

MARIANNE PAYOT

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Ensemble, ils traversent les Pyrénées, filent vers le Portugal, débarquent en Grande-Bretagne. C’est elle qui chantera pour la première fois Le Chant des partisans, à Londres, écrit par Kessel et son neveu, Maurice Druon. L’histoire d’amour va durer dix ans, jusqu’en juin 1945. La rupture est brutale. Il a alors trouvé une belle brune de vingt-deux ans sa cadette, Michèle O’Brien, avec qui il se mariera en 1949, une femme très fragile mais qui réussira à le dompter, au prix sans doute de grandes

souffrance­s. Peut-être aussi vieillit-il… » « J’ai lu, relu et relu – 12 fois pour Les Cavaliers – ses 88 romans, que j’ai tous ici, dans ma librairie, dans de multiples éditions. Je l’ai découvert à l’âge de 12 ans : sur le marché de Stains, dans le 93, avec ma mère, je repère un livre avec une jolie couverture. C’était

Cette histoire d’aviateur durant la Seconde Guerre mondiale m’a plu. Dans la foulée, j’ai acheté

et, à 16 ans, en 1968, j’avais lu les deux tiers de son oeuvre. J’ai alors souhaité le rencontrer, mais je ne savais pas comment procéder. J’ai rempli trois cahiers à spirales de notes sur ses livres et sur lui, puis je suis allé les remettre à un huissier de l’Académie française en lui disant que c’était pour “mon héros”. Quelques jours plus tard, Kessel m’a appelé, j’étais scotché ! Il m’a donné rendez-vous pour le mercredi suivant. On est allés se promener le long des quais, il me parlait de Mac Orlan, de Francis Carco, de Monfreid, et on a bu un verre – Coca pour moi, double vodka pour Jef. Il me trouvait “impertinen­t”. On s’est revus et on ne s’est plus quittés jusqu’à sa mort, onze ans plus tard. Grâce à lui, j’ai connu son pote, Romain Gary, et tous ses amis, Brassens, Fallet, Barbara, Chagall… Ils m’appelaient “le petit” ou “le gamin”. Un jour, Kessel m’a dit : “Tu connais l’Amérique ? Ça te plairait ?” On est partis deux semaines à New York, lui et moi. Extraordin­aire. Ses qualités ? La générosité, l’écoute, la patience, l’abnégation. C’est un Mensch !

Depuis trente ans, je chine tous les livres de Kessel et le moindre écrit sur lui. Il m’en faut tout le temps, cela se vend bien. L’exemplaire le plus cher, c’est L’Armée des ombres, publié par Edmond Charlot, en 1943. Si le livre est sur papier japon, cela peut aller jusqu’à 5 000 euros. Et s’il y a un envoi, cela peut monter encore plus haut. J’ai un exemplaire dédicacé à de Gaulle, mais celui-là, je ne m’en sépare pas, comme tous ceux que Jef m’a offerts. Le jour de mes 22 ans, il m’a donné le manuscrit de La Rose de Java, publié en 1937. Je lui ai dit que je baptiserai ainsi ma future librairie. C’est ce que j’ai fait lorsque je me suis installé ici, rue CampagnePr­emière, en 2004. »

WROMANS ET RÉCITS, 2 VOLUMES

PAR JOSEPH KESSEL, SOUS LA DIRECTION DE SERGE LINKÈS. LA PLÉIADE, 1968 P. ET 1808 P., 68 €. ET 67 €.

UN AMOUR DE KESSEL

PAR DOMINIQUE MISSIKA.

SEUIL, 208 P., 18 €.

« Il cherche la vérité dans toute sa complexité, mais pas l’exactitude. Pour lui, mille autres choses comptent que les faits, il est dans la lignée de Hemingway, de Conrad et de Jack London »

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