Carlos Ghosn est-il le responsable des maux de Renault ?
Depuis l’annonce par le constructeur de la supression de 15000 postes, dont 4600 en France, beaucoup pointent la stratégie de son ancien PDG. A raison ?
NON / L’ACTUELLE DIRECTION A TROP TARDÉ À RÉAGIR AU RETOURNEMENT DU MARCHÉ
Le plan « Drive the Future » lancé par Carlos Ghosn en 2017 est volontiers présenté, par l’actuelle direction, comme une hérésie qui aurait engagé l’entreprise dans une suicidaire « course aux volumes ». D’abord, rappelons-nous que lors de ses premières années à la tête de Renault, Ghosn a plutôt été obsédé par la marge opérationnelle (les fameux 6 % de 2006). Ensuite, que ceux qui lui reprochent aujourd’hui d’avoir été trop ambitieux pour le constructeur au losange lui ont longtemps reproché de ne pas l’être suffisamment, ou de l’être pour son allié Nissan et non pour Renault. Enfin et surtout, souvenons-nous que le plan « Drive the Future » a été conçu en d’autres temps : nous étions au second semestre 2017, et les années qui venaient de s’écouler avaient été fastes pour le marché mondial et pour Renault. Il s’agissait donc de surfer sur la croissance du secteur automobile. Clotilde Delbos,
OUI / OUTRE LA SURCAPACITÉ, IL A LAISSÉ SE FISSURER L’ALLIANCE
l’actuelle directrice générale par intérim, alors directrice financière, avait d’ailleurs présenté, à l’époque, le projet aux actionnaires avec une grande confiance. Ce n’est que dans le courant de l’année 2018 que, progressivement, le plan est apparu problématique, les marchés commençant à montrer d’importants signes de faiblesse. En cela, plus que la stratégie elle-même, c’est la gouvernance de Renault qui semble en cause. Là où il aurait fallu procéder à un réexamen rapide et profond des marques et des gammes, ainsi que de l’outil industriel du constructeur pour redéfinir un plan 20192022, ni Carlos Ghosn ni les directions dont il s’était entouré ne voulurent voir l’évidence. Trop occupées à obéir et à ne pas faire de vagues tant qu’elles étaient sous sa tutelle, puis à gérer la crise qu’ouvrit son arrestation ensuite, les directions successives préférèrent trop longtemps pratiquer la politique de l’autruche. En juin 2020, l’autruche s’est enfin envolée, mais Renault a perdu à minima dix-huit mois et se retrouve contraint de présenter un plan de restructuration très lourd.
maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux, spécialiste de l’industrie automobile, ancien directeur du Gerpisa.