L'Express (France)

Dans les rangs de la police, le cancer du racisme

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Ancien policier, le fondateur de l’ONG Police Brutality Matters observe la permanence des préjugés racistes au sein de des forces de l’ordre.

Joseph Ested aurait pu mal tourner. Né à New York au sein d’un foyer déshérité et dysfonctio­nnel, cet Afro-Américain a passé l’essentiel de son enfance dans les méandres des services sociaux, ballotté d’une famille d’accueil à l’autre. Mais le petit « Joe » a vite choisi le camp de la justice. « Enfant, dans les rues de Brooklyn, j’observais que les policiers avaient une très mauvaise relation avec la population [NDLR : alors essentiell­ement noire] qu’ils étaient censés protéger. Pour changer les choses, je me suis engagé dans la police », raconte cet idéaliste à L’Express.

Durant les années 1990 et 2000, il mène une carrière exemplaire : simple flic, puis enquêteur, officier, shérif adjoint, vice-président d’un syndicat de police, et enfin formateur en Afghanista­n auprès des forces de l’ordre locales. Aujourd’hui, dans une nouvelle vie, il multiplie les conférence­s pour le compte de l’ONG qu’il a créée, Police Brutality Matters, basée à Atlanta (Géorgie). Sa mission : mettre en lumière les brutalités et le racisme policiers tout en faisant la promotion des good cops (« bons flics »). Et aussi tenter d’améliorer le rapport entre l’uniforme et les Afro-Américains.

« Le principal problème, c’est que la police des Etats-Unis se compose de fonctionna­ires qui ne connaissen­t généraleme­nt pas les quartiers où ils opèrent », explique Joseph Ested. Le contraire d’une police de proximité. Comme Derek Chauvin [NDLR : le meurtrier de George Floyd], ils vivent dans des banlieues résidentie­lles et ignorent tout de la culture black des quartiers défavorisé­s, où les habitants s’expriment souvent avec véhémence et force gestes. « Je me souviens par exemple être intervenu pour pacifier une dispute entre deux Afro-Américains lorsqu’une autre voiture de police a débarqué en renfort, poursuit-il. Deux collègues blancs sont sortis du véhicule en mode cow-boy. L’un a brandi sa matraque, l’autre une bombe lacrymogèn­e. Il a fallu que je les raisonne avec tact, afin que la situation ne dégénère pas par leur faute. » Aujourd’hui, l’un des modules de formation proposés aux habitants par l’ONG Police Brutality Matters a pour thème : « Comment rester en vie en cas d’interpella­tion par des policiers excessivem­ent agressifs »…

« Le peu que les policiers blancs savent de la culture noire, ils l’ont appris en regardant la télévision, dit-il encore. Or les gens de couleur des quartiers pauvres n’y sont pas vraiment présentés sous un jour avantageux. Effrayés par un monde inconnu, ces cops assimilent facilement les AfroAméric­ains à la petite minorité de délinquant­s qui pose problème. Cette ignorance les empêche souvent d’évaluer correcteme­nt le niveau de dangerosit­é d’une situation. »

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