Turquie L’Evros, long fleuve pas tranquille
Dernier conflit territorial en date, le tracé de ce cours d’eau frontalier oppose Ankara et Athènes.
L’Evros, qui sépare la Grèce et la Turquie, est un fleuve capricieux. Son lit, qui se déplace en fonction de son débit, nourrit un litige frontalier entre les deux voisins. Fin mai, le gouvernement turc a indiqué que, depuis le tracé du cours d’eau établi en 1926, celui-ci « avait évolué significativement, pour des raisons à la fois naturelles et artificielles ». Une équipe de géomètres dépêchée par Ankara est allée vérifier sur place, entraînant un renforcement des troupes postées sur les deux rives, et un nouveau regain de tensions diplomatiques. Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, a accusé la Turquie de tenter de « militariser le différend ». Et Athènes dit maintenir son projet de renforcer la clôture de séparation qui longe le fleuve pour faire obstacle à un éventuel nouvel afflux de migrants. En février, juste avant la pandémie de Covid-19, la Turquie avait ouvert sa frontière et poussé environ 10 000 personnes à traverser le fleuve pour entrer en Europe. Un scénario qui menace de se répéter, à en croire les échanges aigresdoux des dernières semaines.
Si, depuis une vingtaine d’années, les relations gréco-turques s’étaient plutôt détendues, les sujets de discorde ne manquent pas. La récitation du Coran dans l’enceinte de Sainte-Sophie, à Istanbul, le 29 mai – jour anniversaire de la conquête de Constantinople par les Ottomans en 1453 –, a provoqué de nouvelles crispations. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a réitéré son souhait de voir l’ancienne basilique byzantine, devenue un musée dans les années 1930, être reconvertie en mosquée comme à l’époque des sultans. Ce que la Grèce n’a pas manqué de condamner. Les frontières maritimes sont également contestées en mer Egée, donnant régulièrement lieu à des démonstrations de force réciproques dans les airs ou sur l’eau. Ces derniers mois, le déploiement de la présence turque dans toute la Méditerranée orientale, de la Libye jusqu’à Chypre, a réveillé ces vieux conflits et fait craindre une escalade.
Car, d’ici à quelques mois, Ankara compte entamer les travaux de prospection gazière et pétrolière en Méditerranée, dans les vastes zones économiques exclusives qu’elle s’est octroyée, en vertu d’un accord signé en janvier dernier avec le gouvernement libyen « d’union nationale » de Fayez al-Sarraj. La marine turque a renforcé sa présence dans la région et disposera bientôt d’un porte-hélicoptères flambant neuf. Une flotte de drones armés a été installée au nord de Chypre, dans la partie occupée par la Turquie. Pour la Grèce, la tentative turque de s’arroger des zones maritimes à l’ouest de Rhodes et au sud de la Crète est « une nouvelle atteinte à sa souveraineté ». Le 2 juin, le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a appelé la Turquie « à cesser ses forages ». La zone visée empiète aussi sur les blocs d’exploration gazière offshore attribués par Chypre à des compagnies pétrolières. De fait, la Grèce et Chypre soutiennent des projets concurrents de ceux d’Ankara. Les deux pays ont renforcé depuis 2010 leurs alliances énergétiques et militaires avec Israël, l’Arabie saoudite, l’Egypte ou encore avec la dissidence libyenne du maréchal Khalifa Haftar. Autant d’adversaires de la Turquie.
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Leh sa marque jusqu’à l’ancienne frontière de l’Etat princier du Jammu-et-Cachemire. Ainsi que dans la vallée de Galwan, avec une pénétration chinoise sur un territoire qui n’avait pas connu d’incidents sérieux depuis 1962. Pékin s’inquiète d’y voir construite une route stratégique, non loin de l’artère vitale qui permet de relier le Tibet au Xinjiang. En toile de fond, des tensions frontalières avec le Népal – qui s’est récemment rapproché de Pékin – et bien sûr, le conflit existentiel avec le Pakistan. C’est d’ailleurs au Ladakh qu’avait eu lieu, en 1999, le dernier affrontement militaire d’ampleur entre Delhi et Islamabad.
Pékin n’est guère disert sur les événements actuels, mais leurs causes immédiates semblent à la fois régionales et globales. On pense au changement de statut du Ladakh en 2019, désormais « territoire de l’Union », et aux nouvelles cartes indiennes qui indiquent plus clairement que par le passé les revendications de Delhi. Ainsi qu’aux tensions qui se sont fait jour entre les deux parties à la faveur de la crise du Covid-19.
Mais il est difficile de ne pas replacer l’actualité dans le cadre plus général de l’agressivité chinoise autour de ses frontières. L’Amérique tend aujourd’hui à se ranger derrière l’Inde, sans qu’il soit pour autant question d’une alliance – dont cette dernière ne voudrait d’ailleurs pas. Mais la proposition de Donald Trump d’une médiation entre les deux géants d’Asie n’a pas fait un triomphe à Delhi.
Il n’y a pas eu de guerre ouverte entre la Chine et l’Inde depuis 1962, et la possession de l’arme nucléaire par chacun limite ce risque. Mais les opinions des deux pays peuvent être facilement chauffées à blanc, et leurs dirigeants ont intérêt à rapidement calmer le jeu.
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