Des dinosaures cannibales
SÉBASTIEN JULIAN
soeur, par exemple – n’a pas, a priori, de conséquences trop lourdes. Cela peut même prêter à sourire. Mais que se passerait-il si certains décidaient d’utiliser ce genre d’outils pour effectuer des recrutements de manière systématique ou pour deviner l’orientation sexuelle de tel ou tel individu ? En 2017, un algorithme américain visant à distinguer hétérosexuels et homosexuels à partir de photographies avait déjà créé le malaise.
« Il faut raison garder et réfléchir à ce que nous voulons faire avec ce genre de technologie », souligne Laurence Devillers. Les bonnes pratiques ne se résument pas à des questions d’éthique. Elles concernent aussi des éléments plus techniques, comme la construction de bases de données. « Détecter et comprendre les émotions se révèle plus difficile qu’entraîner une IA à battre un champion de go. Dans la vraie vie, les informations, les contextes sont extrêmement variés. De fait, de nombreux systèmes – fondés sur des images ou même des sons – produisent des résultats décevants en raison de données trop pauvres, non vérifiées, ou parce qu’ils reposent sur des corrélations hasardeuses, détaille la chercheuse. Souvent, ils ne tiennent pas vraiment compte des exceptions. Si vous avez, par exemple, un accent bien particulier, mais que vous vous retrouvez face à un système reposant sur d’autres signatures vocales, vous serez alors dans une minorité. Vous n’êtes pas représenté. Et on vous attribue un profil faussé. » Ce n’est pas grave si celui-ci est utilisé pour flirter via une appli de rencontres. Mais il en serait autrement si des algorithmes défaillants prenaient finalement en charge nos futurs diplômés.
Des os vieux de 150 millions d’années démontrent que les allosaures étaient de féroces prédateurs du jurassique.
PWrès de soixante-six millions d’années après leur disparition, les dinosaures fascinent toujours autant les paléontologues. Certains, comme le Tyrannosaurus rex, sont connus pour leur penchant pour la viande, mais les plus nombreux, les sauropodes, étaient herbivores. Une récente étude publiée dans la revue PLOS One montre que les plus carnassiers n’étaient pas non plus tendres entre eux. Une équipe de chercheurs de l’université du Tennessee a étudié quelque 2 368 os fossilisés issus du site Mygatt-Moore (Colorado), vieux de 150 millions d’années. Un tiers d’entre eux présentaient des morsures infligées par des allosaures, mais, plus surprenant encore, une partie des os grignotés provenaient de ces mêmes théropodes. « Nous avions déjà de solides indices montrant que le T. rex pouvait développer un comportement cannibale, mais c’est une première pour l’allosaure, qui s’impose désormais comme l’un des plus féroces prédateurs du jurassique », explique le Dr Stephanie Drumheller, principale auteure de l’étude. Selon elle, de telles pratiques n’avaient rien de naturel. Les morsures observées ont été infligées par des nécrophages se nourrissant des carcasses après que les meilleurs morceaux avaient été décomposés ou mangés par les carnivores précédents. « Les gros théropodes comme l’allosaure n’étaient probablement pas très difficiles quand il s’agissait de manger, reprend la paléontologue. Mais la nécrophagie comme le cannibalisme sont peu à peu devenus des options pour eux. Ce que nous observons à MygattMoore pourrait donc être le fait d’animaux s’attaquant à tous les aliments disponibles parce que confrontés à une période de disette. » Une période de diminution des ressources sur terre, où le dinosaure est devenu un loup pour le dinosaure.
W
n 1980, l’agence spatiale américaine, la Nasa, préparait sa navette spatiale. Cet engin polyvalent devait rendre caducs les lanceurs traditionnels – à commencer par la toute jeune Ariane – et reléguer le concept même des capsules, auxquelles on doit les plus belles heures de la conquête de l’espace par l’homme, au rang d’antiquité. Chacune à leur manière, les grandes agences tentaient de suivre le mouvement. Les Soviétiques ont développé en secret la navette Bourane ; les Français ont étudié le projet d’avion spatial Hermes, avant de le faire adopter par leurs alliés européens, et les Japonais ont planché sur un programme baptisé Hope.
ETrès chères navettes
Quarante ans plus tard, on ne jure plus que par les capsules pour envoyer les astronautes sur orbite et au-delà. La navette, censée surclasser les lanceurs réutilisables, s’est révélée incroyablement onéreuse à l’emploi, ce qui a fait le succès initial d’Ariane. Quant au transport d’hommes, le « bel oiseau » américain s’est rapidement révélé surdimensionné et dangereux. Aucun des autres programmes de navette n’a survécu à la fin de la guerre froide. Relancé dans les années 2000, après la désintégration de la navette Columbia au-dessus du Texas le 1er février 2003, qui a tué les sept membres