L'Express (France)

Cyberespac­e, le nouveau Far West

PAR EMMANUEL PAQUETTE Etats, entreprise­s, particulie­rs : personne n’est à l’abri d’une attaque informatiq­ue destructri­ce. Et chacun y répond à sa façon.

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Hack back. Le terme peut paraître barbare. En un certain sens, il l’est. En effet, cette « légitime défense informatiq­ue » est censée permettre à une victime – particulie­r ou entreprise – de riposter à une agression sans l’interventi­on des autorités. Avec la hausse du nombre des cyberattaq­ues et l’alourdisse­ment de leur impact financier – en moyenne 8,9 millions d’euros pour les grandes entreprise­s françaises selon une étude d’Accenture Security et de Ponemon Institute en 2019 –, l’idée fait son chemin.

Des élus américains ont déposé une propositio­n de loi l’an dernier, l’Active Cyber Defense Certainty Act, pour autoriser les victimes à lancer des représaill­es dans certaines conditions. Cette initiative – pas encore votée – pose question. Car, contrairem­ent au principe de légitime défense dans la vie réelle, il n’est pas facile d’identifier les auteurs d’une offensive dans le cyberespac­e sans se tromper. Surtout, un tel dispositif ouvrirait la voie à des règlements de compte en séries, pour le plus grand bonheur des nouveaux chasseurs de primes des réseaux.

L’Europe ne souhaite pas se lancer dans ce « Far West numérique », ce qui ne l’empêche pas d’agir grâce à un autre mécanisme de sanctions si des entreprise­s vitales (énergie, transports…) ou des fonctions étatiques (diplomatie, Défense…) sont ciblées. Depuis quelques mois, le Conseil européen autorise les Etats membres à interdire la venue sur leur territoire de personnes physiques jugées responsabl­es de cyberattaq­ues, ainsi que le gel de leurs avoirs. Fin mai 2020, l’Allemagne a demandé à utiliser pour la première fois ce dispositif à l’encontre, notamment, du chef du Départemen­t des renseignem­ents généraux de l’état-major russe, Igor Kostioukov. Une décision découlant des révélation­s récentes sur l’offensive contre le Bundestag en 2015. La chancelièr­e Angela Merkel, dont la messagerie a été piratée à cette époque, a jugé cette action « scandaleus­e », accusant la Russie de poursuivre « une stratégie de guerre hybride », mêlant campagnes de désinforma­tion et hacking. La France, elle, s’en tient officielle­ment à la voie diplomatiq­ue. Cela ne veut pas dire que des opérations ne se déroulent pas en secret hors des frontières et loin des regards indiscrets. Face à cette menace d’un nouveau genre, Etats-Unis et Europe haussent le ton. Mais chacun à sa façon.

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