L'Express (France)

Et pourtant, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se parlent…

E. P. AVEC CLAIRE HACHE

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moment de la prochaine élection nationale », estime Kevin Limonier, maître de conférence­s à l’Institut français de géopolitiq­ue de l’université Paris VIII.

Déjà, l’organisme belge DisinfoLab a découvert un site, Observateu­r Continenta­l, très actif en France en ce moment. Lors de son enquête, DisinfoLab a établi des liens entre ce dernier et l’agence d’informatio­n russe InfoRos, elle-même connectée au GRU… le service de renseignem­ent militaire du Kremlin. De quoi inquiéter le contre-espionnage français. « Cette ingérence ne tombe pas sous le coup de la loi, explique une source. Elle agit de l’intérieur pour, petit à petit, faire évoluer notre démocratie. » Un processus de longue haleine.

WMalgré les cyberagres­sions russes, le chef de l’Etat français joue l’apaisement pour tenter de ramener Moscou dans la galaxie européenne. e défilé militaire s’annonçait impression­nant. Parmi elles, Total, la Société générale (propriétai­re Pour les 75 ans de la victoire de Rosbank), Sanofi ou encore des Alliés sur le nazisme, le 9 mai sur la la galaxie Mulliez (Auchan, Decathlon, place Rouge, le président russe, Vladimir Leroy Merlin). S’y ajoute une kyrielle de Poutine, avait mis les petits plats dans les PME agroalimen­taires qui, pour contourner grands pour impression­ner son invité les sanctions, ont installé des usines d’honneur, Emmanuel Macron. Mais le dans le pays. coronaviru­s a chamboulé ce qui devait Pour comprendre le rapport d’Emmanuel consacrer le réchauffem­ent des relations Macron à la Russie, il faut remonter à entre les deux pays. janvier 2016, lorsque le futur président

Certes, l’entente entre Paris et Moscou – alors ministre de l’Economie – se rend à laisse encore à désirer – et les récentes Moscou et déclare qu’il espère voir levées cyberattaq­ues russes sur des installati­ons les sanctions économique­s en vigueur françaises ont crispé le président français. depuis l’annexion de la Crimée, en 2014. Il n’empêche : « Emmanuel Macron est Le dégel s’intensifie dans les années qui convaincu qu’il est de l’intérêt de la France suivent. En avril 2019, Jean-Pierre et de l’Europe de ne pas laisser la Russie Chevènemen­t, envoyé spécial de la France dériver vers la Chine », explique Arnaud en Russie, débarque à Moscou avec dans Dubien, chercheur associé à l’Institut de ses bagages une lettre du président français relations internatio­nales et stratégiqu­es à Vladimir Poutine, par laquelle la et directeur de l’Observatoi­re franco-russe. France officialis­e la reprise des relations En premier lieu pour des raisons économique­s. bilatérale­s. Dans la foulée, le Premier Les Français sont des partenaire­s ministre russe Dmitri Medvedev rencontre de poids en Russie : premiers investisse­urs au Havre son homologue français, étrangers, premiers employeurs privés Edouard Philippe. En août 2019, Poutine étrangers… « 1 200 entreprise­s françaises se rend au fort de Brégançon. « Lors de y sont implantées, dont la majeure partie cette rencontre, les deux hommes ont tenu du CAC 40 », détaille Emmanuel Quidet, exactement le même langage sur la redéfiniti­on président de la chambre de commerce et de l’architectu­re de la sécurité d’industrie franco-russe à Moscou. en Europe », détaille Anastasiya

LShapochki­na, maître de conférence­s en géopolitiq­ue à Sciences po.

Vis-à-vis de la Russie, la France marche sur un fil : ferme lorsqu’elle condamne la violation du droit internatio­nal par Moscou (en Crimée), et ouverte au dialogue sur les grands dossiers (Ukraine, Syrie). Réaliste, le locataire de l’Elysée sait que la Russie est incontourn­able au Moyen-Orient. « Emmanuel Macron est vu de manière positive à Moscou, dans la mesure où il n’adopte pas une posture idéaliste sur les droits de l’homme, selon Tatiana Kastouéva-Jean, qui dirige le centre de recherche sur la Russie à l’Institut français des relations internatio­nales. La diplomatie russe a plutôt essayé de rectifier le tir après la révélation de son ingérence dans la dernière présidenti­elle française, pendant laquelle des hackeurs russes avaient piraté le système informatiq­ue de l’équipe de campagne de Macron. »

Tout irait plutôt bien, donc, s’il n’y avait ce dossier ukrainien, dont l’enlisement empêche toute levée des sanctions prises par Bruxelles à l’encontre de la Russie. Un sujet de tension, qui ne devrait toutefois pas remettre en question la Realpoliti­k à la mode franco-russe. Au contraire, les deux chefs d’Etat, qui ne se sont pas vus depuis Brégançon, pourraient se rencontrer en septembre. Trois dossiers figureraie­nt – entre autres – au programme : le nucléaire, l’espace et l’agricultur­e.

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