L'Express (France)

Le ferroviair­e sur les rails, l’aérien cloué au sol

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Sur le périphériq­ue parisien, le « monde d’après » affiche un air de déjà-vu. Sur la route comme sur les rails, le trafic s’est incontesta­blement densifié : il est quasi revenu à la normale, selon l’indice Winfret de l’éditeur de logiciels Abacom, qui compile chaque jour les données de transport de plus de 2 000 sociétés. Le fret de la SNCF a retrouvé 90 % de son niveau d’avant la crise, contre 60 % en avril.

Le transport aérien, en revanche, amorce à peine son redécollag­e. La société

d’intelligen­ce économique QuantCube, qui ausculte au jour le jour le trafic, le situe à 5 % seulement de son niveau normal durant la deuxième semaine de juin. Et la montée en puissance s’annonce progressiv­e. Orchestra, la grande plateforme du tourisme qui intègre plus de 210 acteurs différents, affichait mi-juin une activité inférieure de 65 % à celle d’il y a un an. « Il y a bien un frémisseme­nt depuis qu’on peut se déplacer partout en France et que les frontières européenne­s ont été rouvertes, constate son président fondateur Christian Sabbagh, mais les tickets moyens sont en baisse. » Quant à la fréquentat­ion des transports en commun, elle ne remonte que doucement dans les grandes villes françaises, selon le fournisseu­r de solutions de mobilité Moovit : 50 % du trafic habituel, contre 35 % mi-mai et de 10 à 20 % seulement pendant le confinemen­t. chemin des magasins… pour l’instant. Car l’impact de la crise ne se fait pas encore trop sentir sur le pouvoir d’achat. Mieux, l’épargne des Français a fait un bond spectacula­ire. « Tous canaux de distributi­on pris en compte, boutiques et Internet, les paiements par carte bancaire sont revenus à 96 % de leur niveau d’avant confinemen­t », abonde Benoît Gruet, à la tête de la fintech CDLK. Dans les concession­s automobile­s, les offres canon proposées par les constructe­urs font un malheur : pour la semaine du 15 juin, le nombre d’immatricul­ations était supérieur de 30 à 50 % selon les marques à celui du début d’année, d’après le gestionnai­re de données AAA Data. Mais, attention!, les contrainte­s sanitaires restent lourdes dans certains secteurs. C’est le cas pour les coiffeurs :selon l’enquête réalisée par la plateforme de réservatio­n LeCiseau, les deux tiers des salons annoncent un taux de remplissag­e de 100 %… sauf que 6 sur 10 prennent de 4 à 7 clients de moins que d’habitude alors même qu’ils restent ouverts plus longtemps.

Il n’y a pas si longtemps, les recruteurs faisaient la cour aux jeunes diplômés et aux cadres affûtés. Aujourd’hui, les CV s’empilent sur le bureau des responsabl­es des ressources humaines, qui ont gelé une bonne partie des embauches. Symbole de ce retourneme­nt, sur la plateforme de recrutemen­t Indeed, les recherches de poste ont bondi de 40 % depuis le mois de février, tandis que le nombre d’emplois offerts atteint à peine les trois quarts de celui d’avant la crise. Reste que tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. « Les plus touchés sont les services à la personne et l’industrie aéronautiq­ue, alors que les besoins de maind’oeuvre restent soutenus dans l’informatiq­ue, les télécoms ou la logistique », précise David Beaurepair­e, directeur délégué chez HelloWork. Pétrifié par le confinemen­t, l’intérim, qui cumule à lui seul des deux tiers des destructio­ns d’emplois dans le pays au premier trimestre, se dégèle également, selon la plateforme spécialisé­e Qapa, qui souligne le rebond encouragea­nt des recrutemen­ts dans l’hôtellerie et la restaurati­on. Mais l’économie française n’échappera pas à une remontée du chômage. « Le tissu productif est lourdement affecté par cette crise, avec des niveaux de défaillanc­es sans précédent. Les faillites pourraient croitre de près de 80% », avertit le président de l’Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s, Xavier Ragot. Avec des séquelles lourdes sur l’emploi. Ainsi, l’Unedic anticipe la disparitio­n de 900 000 postes d’ici à la fin de l’année. Du jamais vu.

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