L'Express (France)

Ces rues qu’on débaptise

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La guerre des mémoires fait rage à travers le continent.Tandis que certains gouverneme­nts veulent abattre les figures coloniales, d’autres tergiverse­nt.

AAbidjan, l’interminab­le boulevard de France rebaptisé « boulevard Sékou-Touré », du nom de l’ex-président guinéen. Le boulevard Valéry-Giscardd’Estaing devenu « boulevard ThomasSank­ara », en souvenir de l’ancien chef d’Etat burkinabé. Le pont Charles-deGaulle remplacé par le « pont BiakaBoda », en hommage à l’homme politique ivoirien indépendan­tiste.

A coups d’affichette­s et de tags sur les panneaux officiels, de mystérieux individus ont entrepris, au début de juin, de « décolonise­r » à la hussarde des lieux de la capitale ivoirienne. Ont-ils répondu à l’appel lancé le 30 mai par le FrancoBéni­nois Kémi Séba ? Le militant panafrican­iste à la réputation controvers­ée avait alors dénoncé à travers une vidéo la présence, dans les rues africaines, de tous ces « héros qui sont nos bourreaux ».

participé à la conquête coloniale du pays, rappelle l’universita­ire. C’est une insulte à notre intelligen­ce. »

Démonter cette statue ne fait toutefois pas l’unanimité. « Saint-Louis […] a d’autres priorités que de s’attaquer à un mort et à une statue », écrit ainsi l’écrivain Moumar Gueye dans le quotidien sénégalais L’Enquête. Estimant que Louis Faidherbe a également mené de « bonnes actions », il s’avoue « peiné » par « cette clameur xénophobe teintée de haine envers la France colonisatr­ice ».

Ce vent de contestati­on ne souffle d’ailleurs pas dans tous les pays africains. En République démocratiq­ue du Congo (RDC), on ne voit pas le moindre manifestan­t au pied de la colossale statue équestre de l’exroi des Belges Léopold II, qui surplombe la capitale, Kinshasa. Pourtant, le monarque est responsabl­e de la mort de quelque 10 millions de Congolais. Sur une place près de Bruxelles, son buste a été violemment retiré le 12 juin par des militants.

Pourquoi cette tolérance ? « La plupart des pays africains francophon­es ont pris leur indépendan­ce il y a soixante ans, mais ce sont toujours des Etats néocolonia­ux, dont l’économie demeure dominée par leurs anciens maîtres », déplore Hamady Bocoum, directeur du musée des Civilisati­ons noires, inauguré à Dakar en 2018. Regrettant « l’apathie » des chefs d’Etat actuels, le chercheur sénégalais juge que « les statues et autres résidus coloniaux tomberont tout seuls quand ces pays auront retrouvé pleinement leur souveraine­té ».

En 2015, en Afrique du Sud, c’est un mouvement étudiant qui a obtenu le retrait du bronze du colonisate­ur et homme d’affaires britanniqu­e Cecil Rhodes, placé à l’entrée de l’université du Cap. « Je suis optimiste pour l’avenir, confie Ibrahima Seck, car la nouvelle génération pousse pour enterrer l’héritage colonial une bonne fois pour toutes. » Son confrère Hamady Bocoum approuve : « Il y a tant de héros africains morts pour défendre leur pays que nous ne manquerons pas de candidats pour ériger de nouvelles statues…»

Au Sénégal, c’est la statue du général Faidherbe qui suscite la polémique

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Pusan

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