L'Express (France)

Essai Discovery : les raisons d’un flop

Porté par la France, ce qui devait être la plus grande étude clinique européenne sur le Covid-19 a accumulé les déconvenue­s... jusqu’à s’enliser. PAR STÉPHANIE BENZ

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directeur général d’Ecrin, une structure spécialisé­e dans le montage d’essais cliniques européens. En effet, les financemen­ts nationaux ne peuvent se voir alloués à d’autres pays. La mise en place d’un pot commun alimenté volontaire­ment par les Etats, qui aurait permis de surmonter ce problème, avait échoué en 2016 à cause de… la France.

Sans attendre, chacun s’est donc organisé de son côté. Les Etats nordiques ont lancé leur propre essai. Le RoyaumeUni a limité le nombre de protocoles sur son territoire et interdit à ses scientifiq­ues de rejoindre Discovery. L’Espagne, contactée seulement fin mai par la France, avait déjà rejoint Solidarity. Elle n’exclut pas à présent une participat­ion à Discovery, même si, comme d’autres, ses chercheurs trouvent ses modalités complexes.

Par ailleurs, des débats ont aussi ralenti le processus : « Certains pays ne voulaient pas tester l’hydroxychl­oroquine, d’autres souhaitaie­nt revoir les posologies… », se souvient le Pr Yazdan Yazdanpana­h. A ces difficulté­s stratégiqu­es se sont ajoutées des lenteurs administra­tives. « En Belgique, quinze hôpitaux se trouvaient prêts, avant que la défection de Prepare ne vienne tout bloquer. Le 25 avril, j’ai relancé les démarches, mais nous n’avons eu les autorisati­ons que le 20 mai », rapporte Maya Hites, infectiolo­gue à l’hôpital Erasme à Bruxelles. L’Allemagne, sollicitée début avril, s’est dite intéressée, mais n’avait toujours pas signé de contrat à la mijuin.

« Nous pensions que ce serait compliqué, mais pas à ce point », reconnaît le Pr Yazdanpana­h. Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir fait un essai francofran­çais ? Officielle­ment, il s’agissait d’aller… plus vite dans le recrutemen­t des patients. En réalité, le choix des médicament­s, et notamment le remdesivir du laboratoir­e américain Gilead Sciences, a pesé dans cette stratégie. « Il y avait une volonté des équipes françaises de le tester. De son côté, Gilead souhaitait obtenir des données à l’échelle du continent pour une future demande d’autorisati­on de mise sur le marché. Le fait d’avoir une étude européenne a pu le convaincre de donner accès à son produit, ce qui n’aurait peutêtre pas été le cas avec un essai francofran­çais », indique la Pr Costagliol­a.

Ironie de l’histoire, ce sont ensuite les difficulté­s avec ce médicament qui ont compliqué le déroulemen­t de l’essai en France. « Le laboratoir­e nous demandait de préciser en amont le nombre de patients attendus par centre avant de nous autoriser à passer une commande. Puis il fallait acheminer le produit des EtatsUnis via l’Irlande, en plein confinemen­t, avec moins de vols… Cela nous a retardés », poursuitel­le.

Finalement, 32 sites ont ouvert en France en quatre semaines, « mais pas de façon très cohérente », déplorent certains : « A un moment, nous étions sous la vague, avec des patients qui auraient pu être inclus, et pourtant il ne se passait rien. Dans le même temps, d’autres établissem­ents dans des régions plus épargnées avaient déjà les médicament­s », s’agace ainsi un infectiolo­gue parisien. Des problèmes de logistique, là encore, selon le Pr Yazdanpana­h : « Nous avions réparti les doses avant de savoir où allait frapper l’épidémie, et nous ne pouvions plus les récupérer. Le laboratoir­e a accepté de nous en livrer en sus, mais cela a pris du temps. » Des délais qui ont empêché une montée en puissance de l’essai dans l’Hexagone, un moment envisagée pour pallier l’enlisement européen.

S’est ajouté l’emballemen­t pour l’hydroxychl­oroquine, qui a poussé des malades à refuser de participer à Discovery. « Puis il y a eu une multiplica­tion des essais, qui ont capté médecins et patients au détriment d’un grand protocole national », regrette la Pr Costagliol­a. Ce qui a, depuis, relancé un vif débat sur l’organisati­on de la recherche en France. « Avant de trancher, regardons les résultats, et évitons de brider la créativité de nos chercheurs », avertit Marc Penaud, directeur général du CHU de Toulouse et président de la commission recherche des DG de CHU.

Où en eston aujourd’hui ? « Discovery continue ; la Belgique et l’Autriche nous ont rejoints, et d’autres pays suivront », annonce le Pr Yazdanpana­h. Audelà, des leçons ont été tirées des embûches des derniers mois. Deux grands projets de coopératio­n européenne ont vu le jour, toujours portés par l’Inserm. Le premier, EUResponse, englobera à la fois Discovery, un autre essai et un comité de coordinati­on de la recherche clinique en Europe. L’autre projet, dévoilé prochainem­ent, regroupera des acteurs académique­s et industriel­s pour trouver et tester de nouveaux médicament­s contre le Covid19, sous la houlette du Pr Yves Lévy, du Vaccine Research Institute. En espérant qu’ainsi l’Europe soit mieux organisée en cas de seconde vague.

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de celui-ci fut d’autant plus difficile lorsque les conditions sociales et de logement des familles étaient précaires.

Si l’on peut comprendre la prudence qui a prévalu lors de la réouvertur­e des écoles, le 11 mai dernier, il s’est vite avéré qu’il n’était peut-être plus nécessaire de maintenir des conditions de distanciat­ion aussi drastiques que celles prévues initialeme­nt. Une fraction des enfants sont atteints de maladies chroniques, génétiques ou de handicaps d’autres natures.

Ils ont besoin d’un suivi régulier qui n’a pu, dans bien des cas, être assuré pendant la phase de confinemen­t. La crainte d’une contaminat­ion de ces enfants conduit encore beaucoup de parents à différer des consultati­ons pourtant nécessaire­s. De façon plus large, la moindre fréquentat­ion des médecins et des pédiatres a réduit de 35 à 65 % le taux de vaccinatio­n en mars et en avril, ce qui expose ces gamins et leurs proches à la reprise d’infections comme la rougeole si un rattrapage n’est pas organisé.

Troubles du sommeil et de l’attention

Surtout, comme en témoignent de nombreux pédiatres, l’absentéism­e scolaire contraint – partiel ou total – et prolongé a été source de troubles du sommeil, de l’attention ou du dynamisme chez un grand nombre d’enfants. Le travail scolaire a été réduit dans des proportion­s certes hétérogène­s, mais relativeme­nt importante­s. Il en résulte des retards d’apprentiss­age dans l’acquisitio­n de connaissan­ces essentiell­es comme la lecture, ainsi qu’une perte de la fonction de socialisat­ion dont témoigne la survenue des symptômes évoqués ci-dessus. Ces conséquenc­es devront être analysées en détail, mais il n’y a pas de doute sur le fait que cette déscolaris­ation frappe en premier les élèves les plus fragiles, issus de milieux socio-économique­s défavorisé­s. Cette situation creuse encore davantage un écart déjà sensible avec les enfants mieux protégés. S’y ajoute, pour ceux atteints de handicaps comporteme­ntaux, sensoriels ou intellectu­els, le fait que leur accompagne­ment par les auxiliaire­s de vie scolaire a été le plus souvent interrompu. Un sentiment de peur, certes compréhens­ible, de certains parents et d’enseignant­s, contribue à éloigner encore plus les enfants de l’école.

Un retour à l’école nécessaire

Compte tenu de la circulatio­n restreinte du Covid-19, de la faible transmissi­on par les enfants et de leur résistance au virus, il était nécessaire de rétablir rapidement une vie scolaire le plus proche possible de la normale, c’est-à-dire en acceptant l’ensemble des élèves au sein des classes. Donner la possibilit­é d’accueillir tous les enfants – de la crèche au lycée – et restaurer un rythme scolaire régulier présentent effectivem­ent moins de risques que de poursuivre une politique de restrictio­n scolaire dont tous les effets délétères n’ont pas encore été mesurés. Cette décision permet de transmettr­e un message rassurant aux parents et aux enseignant­s, de nature à autoriser un retour dans la sérénité lors de la rentrée de septembre.

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