Amélie Nothomb blob.
un rendez-vous très français : l’annonce, en grande pompe, par les éditions Larousse et du Robert des mots introduits dans leur nouveau millésime au terme d’un parcours du combattant. Dans chaque maison, un bataillon de lexicographes opère une surveillance permanente, dite « veille néologique », histoire de repérer la fréquence des attestations et l’importance conceptuelle des futurs nouveaux élus. Presse, mais aussi livres, catalogues de vente, marchés, etc., tout est passé au crible pour sélectionner quelque 150 termes pour le Petit Larousse illustré, un peu moins pour le Petit Robert. Chaque année aussi, quelques dizaines de personnalités font leur entrée au panthéon du dictionnaire. Nous avons soumis ces listes à cinq écrivains et artistes, amoureux de la langue, qui nous ont confié leurs mots adorés et détestés, ainsi que leurs personnalités préférées. Avec de belles surprises à la clef.
Aime : « Je ne connaissais pas et j’adore. La sonorité est magnifique et la signification m’enchante. Je me reconnais en ce champignon, je suis un blob. » Et « Pour une fois qu’un nouveau mot ne doit rien à l’anglais. Et ce concept me semble très sympathique. » Déteste : « Je n’ai rien contre cette notion, c’est le mot qui m’insupporte. Tous les néologismes qui comportent le suffixe “-ance” ont une connotation qui me hérisse. Exemple : “aidance”, “aimance”, etc. Je propose, à la place de “douance”, “surdouement”. » Et
« Il me pose problème, parce qu’en français de Belgique ce mot désigne l’étudiant qui s’enferme chez lui pour bosser ses cours. Nous l’utilisons depuis au moins cinquante ans. Nous avons la priorité ! »
Applaudit :
et « Incroyable mais vrai, des artistes aussi éminents n’étaient pas encore dans le dictionnaire ! Si je peux me permettre une remarque, je n’ai rien contre Beyoncé, mais, si l’on prend Beyoncé, il faut aussi inclure Rihanna, dont je suis fan. » la société de consommation. L’adjectif “frugal” est lié pour moi à des bonheurs de lecture de l’enfance. Les héros faisaient toujours un repas frugal, souvent en plein air, parfois un simple croûton de pain frotté d’ail, et buvaient de l’eau à la source, avant de repartir frais et dispos pour l’aventure. Dans “frugalisme”, le bonheur aérien de “frugal” se prolonge par le suffixe “-isme” qui en fait un humanisme, un humanisme basé sur une rébellion. » Et « Ce mot danois désigne un art de vivre nourri par l’intimisme et la convivialité. Valérie Robert, qui a consacré naguère un livre à ce concept, a été contente que j’en écrive la préface, car elle me considérait comme l’homme le plus “hygge” à sa connaissance, ce que je ressens comme une distinction honorifique. » Déteste : « L’euphonie de ce mot est particulièrement malencontreuse, et il a le grand tort de risquer de faire de l’ombre à “chabrot”. “Faire chabrot”, une coutume encore vivace dans mon souvenir. Même si elle m’horrifiait un peu, elle me faisait grand effet quand je voyais mon grand-père paternel remplir son assiette de vin, et laver ainsi les traces de la soupe, non sans garder quelques brins de vermicelle dans la moustache. Et puis je vois qu’avec “chatbot” il est question d’intelligence artificielle, et cette seule expression me donne envie de sortir mon revolver. » Applaudit : « La France a la chance d’avoir le plus grand athlète du monde, dans une discipline unanimement reconnue mais pas toujours assez connue. Le décathlon, c’est intrinsèquement ce qu’il y a de plus difficile. Avoir un niveau d’excellence à la fois dans les lancers, la course et les sauts, cela paraît antinomique, et suppose un travail et des aptitudes incroyables. Les décathloniens ont l’élégance d’être une famille à part dans le sport, avec un vrai respect, une réelle estime pour l’effort de l’autre. La notion même de sportivité gagnerait beaucoup à ce que Kevin Mayer soit le sportif le plus célèbre de l’Hexagone. »