L'Express (France)

Derniers adieux à… Hunter S. Thompson

L’écrivain déjanté américain, père du style « gonzo », souhaitait que ses cendres soient dispersées à coups de canon dans le Colorado. Le 20 août 2005, son ami Johnny Depp se charge d’accomplir sa dernière (folle) volonté devant un parterre de stars.

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désert, avant que tout ne parte en vrille. Pour s’imprégner du rôle, Johnny Depp était venu s’installer au sous-sol d’Owl Farm pendant quatre mois. Les voisins s’amusaient de voir ce jeune homme singer la démarche sautillant­e d’« Hunter » ou sa manière d’allumer ses cigarettes. Quelques remontants et excitants avaient fini par lier les deux hommes.

Alors, quand il s’est agi de respecter la dernière volonté de Dr Gonzo, Johnny Depp a répondu présent. « Tout ce que je veux, c’est envoyer mon pote là où il voulait aller », dira-t-il au Times. Il s’adjoint les services de la maison Zambelli pour le canon et les feux d’artifice et fait construire la gigantesqu­e tour en Californie, avant de la convoyer au Colorado. Au sommet de celle-ci est sculpté l’emblème du gonzo : un grand poing rouge à deux pouces entourant la poignée d’une dague. Les cendres de l’écrivain sont logées dans 34 coquilles mêlées à des feux d’artifice.

Ce 20 août au crépuscule, alors que les nuages descendent sur la vallée de la Roaring Fork River, la cérémonie peut commencer. Juan gare le Grand Requin Rouge, la décapotabl­e de son père, au pied de la tour. De puissants tambours se mettent à résonner, que l’on entend sur les collines alentour, où des fans venus de tous les Etats-Unis se sont glissés. Le shérif s’est assuré qu’aucun journalist­e ne pourrait louer d’hélicoptèr­e à l’aérodrome tout proche. Et il a conseillé aux éleveurs du coin de rentrer leurs bêtes, la dernière fête de Dr Gonzo promettant d’être, euh, comment dire, bruyante…

George McGovern et John Kerry prennent la parole. Le chanteur-compositeu­r Lyle Lovett interprète If I Had a Boat. Anita lit Kubla Khan, un poème de Coleridge. Puis, premières salves de feux d’artifice rouges et bleus. Les cendres de Hunter S. Thompson montent à plusieurs centaines de mètres dans le ciel, avant de retomber dans la pâture à l’arrière de la maison. Bientôt, c’est un déluge d’explosions comme l’écrivain les adorait qui envahit la nuit du Colorado. « Hunter, on t’aime ! » crie son épouse. Quand le vacarme cesse, un haut-parleur commence à diffuser Mr Tambourine Man de Bob Dylan. Quelques mois auparavant, la famille Thompson avait d’ailleurs offert la mythique machine à écrire d’« Hunter » au compositeu­r de Like a Rolling Stone.

Les fumées dissipées, les invités, un peu abasourdis, se retrouvent dans le pavillon aménagé en l’honneur de l’écrivain « canonisé ». On y trouve notamment un exemplaire de L’OxfordEngl­ishDiction­aryouvert

à la page « gonzo ». « Au milieu se dressait un bar circulaire servant toutes les boissons alcoolisée­s connues du genre humain », ajoute son biographe William McKeen. Ralph Steadman est inconsolab­le. Le génial dessinateu­r britanniqu­e a accompagné Hunter S. Thompson dans nombre d’équipées délirantes, comme ce reportage hippique déjanté intitulé Le derby du Kentucky est décadent et dépravé

(ah, ces titres !). Chacun, autour du bar, évoque une bonne histoire avec l’homme qui, par-delà la mort, les réunit ce soir. On débouche des bouteilles, on ouvre des canettes. Johnny Depp passe d’un groupe à l’autre. Dehors, les dernières cendres de Dr Gonzo volettent encore dans le vent du Colorado.

W*Hunter S. Thompson, journalist­e & hors-la-loi (Tristram, 2010).

De puissants tambours se mettent à résonner, que l’on entend sur les collines alentour, où des fans venus de tous les Etats-Unis se sont glissés furtivemen­t

de l’auteure dessinent une carte du Tendre féroce, et même politiquem­ent incorrecte. Soit une série d’instantané­s glanés au quotidien (dans le train, au supermarch­é, lors d’un dîner chez des amis, dans la rue, etc.), où la drôlerie le dispute à la raillerie, la douceur au désarroi.

Sa narratrice (son double) accumule les déboires, que ce soit avec ce garagiste canon à qui elle se donnerait volontiers mais qui se révèle trop timide, ou avec un chevalier servant du rayon surgelés malheureus­ement « gros, rougeaud, édenté ». Sans parler de cet architecte divorcé qui croit la séduire en ne parlant que de lui – « Il m’a prise pour une journalist­e préparant son portrait pour Libé ? » Seul rayon de soleil, le touchant Babar, un SDF du quartier, souvent alcoolisé, jamais à court de compliment­s. Vive, incisive, Sandrine Sénès ne s’embarrasse pas d’un style soutenu, mais va à l’essentiel pour questionne­r l’époque et sa sempiterne­lle assignatio­n au bonheur.

VIVE MUSTAPHA !

PAR GUY DE MAUPASSANT. ALLIA, 112 P., 8 €.

Publiées à l’origine dans le journal Le Gaulois, ces notes et remarques de Guy de Maupassant décrivent les moeurs du Maghreb et les villes qu’il y a traversées dans la décennie 1880. Prenant le contrepied de la vision orientalis­te de l’époque – esthétisan­te et idéalisée –, l’auteur adopte un point de vue critique sur la colonisati­on en Algérie et en Tunisie. S’il commence par une vive adresse à la presse française – à laquelle, notetil, « il est bien difficile, vraiment, de se fier » – quant à son traitement des hommes politiques arabes, il décrit également les attitudes, les postures et les pratiques abusives des colons en Afrique du Nord.

« Nos moeurs imposées, nos maisons parisienne­s, nos usages choquent sous ce ciel comme des fautes grossières d’art, de sagesse et de compréhens­ion. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants qu’à la terre ellemême », écritil au sujet de l’Algérie. L’auteur du Horla multiplie aussi les contrastes entre les descriptio­ns de lieux, les références à des événements précis et les remarques percutante­s : « Le principe de la colonisati­on française consiste à les faire crever de faim » ; « les bêtises, énormes à première vue, débitées par les phraseurs avocats attitrés de notre colonie ; le point de vue étroit, patriotiqu­e si l’on veut, mais odieusemen­t inhumain où ils se placent, donnent un désir ardent de tenter de comprendre quelque chose à cette situation unique au monde des population­s algérienne­s ». La violence et l’arbitraire hérités de la colonisati­on marqueront toute l’histoire de l’Algérie, jusqu’à aujourd’hui.

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Un feu d’artifice, suivi d’un déluge d’explosions, comme l’écrivain les aimait.

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