La revanche des lunettes connectées
En dépit de l’échec commercial des premières Google Glass, les acteurs de la tech croient en leur potentiel et continuent à les développer. PAR AMINE MESLEM
Les Focals cachent bien leur jeu. A première vue, cette paire de lunettes semble tout à fait ordinaire. Mais chaussez-les et vous verrez des informations apparaître dans une petite partie de votre champ de vision : messages reçus, rendez-vous à venir, météo du jour, itinéraire recherché… Provenant de votre smartphone via une liaison Bluetooth, les données sont projetées directement sur le verre de droite, au moyen de diodes logées dans l’épaisse monture à l’aspect rétro. La navigation dans les menus s’effectue par commande vocale ou à l’aide d’une bague dotée d’un mini-joystick. Bien que saluées par la presse spécialisée pour leur ergonomie, les Focals avaient fait un flop. Son fabricant, la start-up canadienne North, avait donc commencé à plancher sur un nouveau modèle plus confortable. Mais le projet est suspendu. North vient en effet d’être racheté par Google pour un montant d’environ 180 millions de dollars.
Grâce à cette acquisition, le géant du numérique compte renforcer son expertise dans le domaine des lunettes connectées. Un secteur qu’il connaît bien et dans lequel il fait figure de pionnier. Ses Google Glass avaient fait sensation lors de leur présentation, en 2012. Mais trop chères (1 500 dollars) et peu pratiques, elles ont été boudées par les consommateurs, ce qui a entraîné l’arrêt de leur commercialisation en 2015. Loin de s’avouer vaincu, la firme californienne a visé deux ans plus tard les professionnels. Ses lunettes sont désormais utilisées dans diverses entreprises afin de donner la possibilité aux salariés d’accéder à des informations ou à des outils numériques tout en gardant les mains libres. Des employés du transporteur DHL aux PaysBas s’en servent ainsi pour scanner les articles à inventorier d’un simple regard, avec, à la clef, une augmentation de 25 % de leur productivité. Chez Boeing, elles aident les techniciens à effectuer les branchements électriques, en leur montrant les schémas des câblages. « Depuis le lancement de la nouvelle version de notre produit, en mai 2019, nous avons constaté une forte demande de la part des entreprises et des développeurs », se félicite Jay Kothari, responsable des Google Glass. D’autres acteurs, comme Epson, Microsoft, Toshiba ou Vuzix vendent également des cyberlunettes destinées aux professionnels.
Quelques sociétés tentent tout de même de séduire le grand public par des
usages très ciblés. A l’instar des Raptor de la start-up israélienne Everysight, capables d’afficher la distance parcourue, la vitesse et le rythme cardiaque des cyclistes, ou des Prudensee de la jeune pousse niçoise Ellcie Healthy, qui alertent les conducteurs lorsqu’ils risquent de s’endormir au volant. Equipées de caméras, les Spectacles de Snapchat permettent, elles, de capturer aisément des séquences et de les partager sur le réseau social. Son concurrent Facebook voit plus loin, estimant que des binocles high-tech pourraient bien un jour remplacer nos smartphones. « A un moment donné dans les années 2020, nous aurons des lunettes de réalité augmentée révolutionnaires », pronostiquait Mark Zuckerberg en janvier dernier. Pour que son projet, baptisé Orion, se réalise, il fait plancher activement ses équipes d’ingénieurs, et s’est même allié avec le géant de l’optique EssilorLuxottica. L’objectif est de commercialiser ces lunettes du troisième type dans de trois à cinq ans.