L'Express (France)

Vaccins contre le Covid-19 : des précommand­es en question

PAR STÉPHANIE BENZ Les industriel­s poussent les Etats à acheter des produits avant même qu’ils n’existent. Une pratique inédite que la crise justifie.

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Qui achèterait un produit qui n’existe pas encore et dont nul ne sait s’il existera un jour ? Personne, sauf dans le cas de potentiels vaccins contre le Covid-19 : différents Etats ont déjà signé des précommand­es avec des industriel­s. Il s’agit pour eux, si les recherches débouchent sur un produit efficace, d’assurer à leur population l’accès à des doses. Un chacun pour soi qui reste bien éloigné du concept de « bien public mondial » qu’Emmanuel Macron, notamment, appelait de ses voeux.

Les chiffres donnent le tournis. Les Etats-Unis ont déjà alloué l’équivalent de

3,5 milliards d’euros à plusieurs laboratoir­es. La société Novavax, qui touchera 1,4 milliard d’euros, s’est engagée à livrer 100 millions de doses aux Américains. AstraZenec­a leur en réservera de son côté plus de 300 millions, moyennant 1 milliard d’euros versés pour accompagne­r le développem­ent de son produit. Les pays européens ne sont pas en reste, avec la préréserva­tion par la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas de 300 millions de doses auprès de cette même société. Et de tels accords vont foisonner dans les semaines et les mois à venir.

Les industriel­s, qui poussaient les pouvoirs publics à partager les risques financiers associés à la production d’un vaccin, ont donc su se faire entendre. Pour les Etats, les pertes économique­s liées à la pandémie sont si gigantesqu­es que le retour sur investisse­ment d’un éventuel vaccin sera sans commune mesure avec les montants mis sur la table. En accompagna­nt le développem­ent de la fabricatio­n, ces sommes accélérero­nt l’arrivée des injections. Mais les enjeux sont tels qu’ils « vont aussi pousser à multiplier les effets d’annonce », avertissai­t récemment le président du conseil scientifiq­ue, Jean-François Delfraissy.

Dans ces conditions, les Etats pourront-ils se désengager sans perdre la totalité des sommes promises si tel ou tel vaccin se révélait inefficace ? Et, surtout, les citoyens ne vont-ils pas payer plusieurs fois ces produits ? Nombre de projets sont en effet issus de laboratoir­es académique­s, déjà subvention­nés par les contribuab­les. « Il faut espérer que les prix de vente finals tiendront compte de toutes ces aides publiques », s’inquiète une spécialist­e de la vaccinatio­n. La plupart des industriel­s ont annoncé qu’ils ne réaliserai­ent pas de bénéfices sur ces produits « pendant la période de la pandémie ». Mais, si la maladie devenait endémique, les discussion­s sur les prix en reviendrai­ent au business as usual – alors même que des rappels à échéances régulières pourraient être nécessaire­s…

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