L'Express (France)

Drogues : la sanction sans la prévention, une addiction française

- PAR CLAIRE CHARTIER

UL’instaurati­on d’une amende forfaitair­e pour consommati­on de stupéfiant­s tient surtout de l’affichage politique.

ne sanction immédiate et frappant virilement au portefeuil­le : la démarche semble de pur bon sens. Fini, les « rappels à la loi » indolores, le consommate­ur pris la main sur le joint devra s’acquitter d’une amende de 200 euros. L’idée est excellente s’il s’agit de soulager la tâche des policiers et des magistrats, submergés par ce qu’ils nomment un « contentieu­x de masse ». Elle est politiquem­ent bienvenue, tandis que la droite d’opposition entonne à gorge déployée, en cette rentrée, le refrain sécuritair­e – c’est toujours dans les vieux juke-box qu’on trouve les meilleurs tubes. Elle est désespéran­te, si l’on délaisse la perspectiv­e de « l’ordre public » pour se placer dans celle de la santé, publique elle aussi. Aucune réflexion de nature un tant soit peu préventive ou thérapeuti­que n’accompagne cette mesure. Rien n’est prévu pour épauler le consommate­ur aux penchants illicites dont on sait bien, au fond, que 200 euros ne suffiront pas à lui faire lâcher sa dose. Il ira se droguer ailleurs, se fournira sur Internet. Pis, les jeunes, toujours premiers de la classe en Europe pour leur consommati­on de cannabis, ne sont pas concernés par cette amende bien qu’ils soient ceux dont il faudrait se préoccuper en priorité – 7,5 % d’entre eux présentent un risque d’usage problémati­que. Autant dire que la pression des acheteurs et des vendeurs s’intensifie­ra à leur endroit. De parole d’addictolog­ues, « agir » efficaceme­nt exige pourtant de distinguer qui consomme quoi, pour ensuite orienter en surmontant l’aversion morale envers ces « toxicos » qui font peur. Hélas, toute réflexion invitant à revisiter la loi de 1970 qui considère la consommati­on de cannabis comme un délit pénal se fracasse sur les sempiterne­ls procès en laxisme. Alors qu’un demi-siècle plus tard, le constat d’échec s’impose. L’Observatoi­re français des drogues et des toxicomani­es note que le nombre d’infraction­s à la législatio­n sur les stupéfiant­s a été multiplié par plus de 50 depuis l’entrée en vigueur du texte. En France, l’anathème tient lieu de politique antistupéf­iants. Quel que soit le gouverneme­nt.

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