La Big Tech à l’assaut des déserts numériques
Les géants américains de la Tech se sont lancé un défi : relier à Internet les près de 3 milliards de personnes qui ne le sont pas encore. Musk fait la course en tête.
Un ballet lumineux dans le ciel de printemps. Ce vendredi 24 avril, alors que le soleil vient de se coucher, la France confinée voit parader une suite de points blancs scintillants. Un étrange « train d’étoiles » qui fait le spectacle quelques dizaines de secondes, avant de disparaître. Nul salut martien derrière cette cohorte lumineuse, mais la constellation de satellites Starlink développée par SpaceX, l’entreprise spatiale d’Elon Musk.
L’objectif de cette constellation comptant déjà 500 petits satellites placés en orbite basse ? Apporter Internet à haut débit à des prix compétitifs partout où les réseaux terrestres ne peuvent aller (océans, montagnes, déserts, forêts…), pour des questions techniques ou de rentabilité. Sur les 7,8 milliards d’êtres humains peuplant la planète, près de 3 milliards n’ont en effet toujours pas accès au Web.
Mais le fantasque milliardaire n’est pas seul dans cette course aux étoiles. Plusieurs mastodontes américains de la Tech lui ont emboîté le pas. Amazon, avec son projet Kuiper, vient d’obtenir l’aval de la Commission fédérale des communications (FCC) pour lancer plus de 3 000 satellites. Google et son programme Loon misent sur des ballons gonflables pour connecter la planète – 35 de ces dirigeables permettent déjà à des villages des montagnes kenyanes 9,7 % 90,3 % 28,5 % 71,5 % 12,8 % 57,8 % d’accéder à la 4G. Facebook, enfin, teste depuis plusieurs années des drones solaires et semble également séduit par l’idée d’une constellation. « Ils viennent tout juste de lancer leur prototype avec le lanceur italien Vega », précise Maxime Puteaux, spécialiste de l’industrie spatiale à Euroconsult.
Elon Musk a néanmoins pris une nette avance sur le peloton. Celui qui dirige également Tesla a ainsi annoncé que son réseau allait être bientôt disponible pour les bêtatesteurs nordaméricains, le lancement commercial étant prévu pour 2021. Et l’infatigable Américain pense déjà à la prochaine étape : il a demandé l’autorisation à l’Union internationale des télécommunications de déployer à terme 43 000 engins, afin de couvrir l’ensemble de la planète !
Le marché américain pourrait bien se révéler décisif dans cette course de fond, puisque la FCC a débloqué une subvention de 20 milliards de dollars pour connecter les campagnes à l’Internet à haut débit. « C’est de l’argent quasi gratuit pour accélérer son développement ; presque tous les opérateurs, y compris de télécoms terrestres, se battent pour avoir une part du gâteau », souligne Maxime Puteaux.
Reste que les ambitions réelles des géants de la Tech ne sont pas encore parfaitement lisibles, à l’exception de celles de Starlink, qui veut clairement se poser en
Pourcentage d’habitants ayant accès à Internet, par continent, en 2020 87,2 % 29,2 % 42,2 % (1,77 milliard) challenger des opérateurs télécoms, avec une offre totalement intégrée (lanceurs, satellites et gestion de la flotte). « Cela fait vingt ans qu’ils en rêvent tous, mais Google s’y est déjà cassé les dents avec la fibre », rappelle Olivier Ezratty, consultant en nouvelles technologies. « Ce qui est certain, c’est qu’ils espèrent pouvoir aspirer des tonnes de data, le nouvel or noir », poursuit Philippe Boissat, du cabinet de conseil 3i3s. L’armée américaine suit la bataille d’un oeil attentif. « Elle a des troupes dans le monde entier, ça l’intéresse forcément de pouvoir centraliser tous ses réseaux chez un compatriote », résume François Chopard, PDG de l’accélérateur aéronautique Starburst.
Et l’Europe, dans tout ça ? Elle aurait pu revenir dans la course en volant au secours de la constellation OneWeb, lâchée par le japonais Softbank, mais c’est le gouvernement britannique, associé au conglomérat indien Bharti, qui s’en est porté acquéreur pour 1 milliard de dollars. Pas de quoi faire trembler Musk et ses acolytes, qui portent leur regard plus à l’est, vers la Chine, où quatre projets de constellations sont en phase de test. Un embouteillage spatial qui inquiète les astronautes, en raison des débris que cela va engendrer, et fait enrager les astronomes, à cause de la pollution lumineuse. Des dommages collatéraux, comme disent les forces américaines.
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