Régionales : Macron veut-il jouer le tout pour le tout?
Mettre le paquet en envoyant ses ministres au front ou faire de la dentelle électorale, le président devra choisir sa stratégie.
Ala tête du Conseil de défense le matin, stratège électoral en chef le soir. Le 25 août dernier, après avoir fait un point avec ses ministres et ses gradés sur l’évolution de l’épidémie avant la rentrée, le président de la République a reçu à l’Elysée l’état-major de sa majorité pour un dîner consacré, entre autres choses, aux prochaines échéances électorales : les élections départementales et, surtout, régionales. A six mois d’un scrutin qui angoisse nombre de parlementaires, abasourdis par des municipales désastreuses et convaincus que beaucoup de listes ne dépasseront pas les 10 % nécessaires pour accéder au second tour, les caciques de la Macronie entrent doucement dans le vif du sujet. Réunis autour d’Emmanuel Macron, le Premier ministre Jean Castex, le patron du MoDem François Bayrou, celui de La République en marche Stanislas Guerini, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand et le conseiller spécial élyséen Philippe Grangeon ont confronté leurs positions, en ne regardant pas toujours dans la même direction.
« Se sont exprimées dans ce dîner des lignes très orthogonales », souffle un proche du chef de l’Etat. Notamment sur l’importance à donner à ces élections intermédiaires placées un an avant la présidentielle de 2022. En deux mots : faut-il envoyer un maximum de poids lourds pour marquer le coup, avec le risque de les voir délégitimés en cas de fiasco ? Ou jouer la partie plus finement ? « L’élection présidentielle ne se joue pas là-dessus, ce n’est pas parce qu’on gagne les Pays de la Loire ou la Normandie qu’on poussera le président. Entre “tous sur le pont” et “tous aux abris”, il y a une solution intermédiaire. Il faut des combats politiques choisis et assumés », indique l’un des convives du dîner. Le va-t-en-guerre Richard Ferrand, quant à lui, était déjà sorti du bois dans les colonnes du Figaro début juillet, tenant une ligne que certains ministres et cadres d’En marche décrivent comme « maximaliste » : « Je souhaite que, partout, les ministres s’engagent dans les élections régionales. […] Chacun doit vérifier sa capacité à obtenir sur le terrain la légitimité populaire. Je souhaite que personne ne se dérobe. » Un pour tous, tous pour un, et pas de déserteurs ! Il existe pourtant bel et bien une troisième voie dans la majorité : enjamber le scrutin, boucler des alliances avec LR, tant le match semble perdu d’avance… « Avec Sarkozy, tous les ministres étaient candidats et, en perdant, ils ont affaibli le président », analyse un ministre venu de la droite.
Parmi les régions à fort enjeu, l’Ile-deFrance, poumon économique et symbole politique, est sans aucun doute le cas sur lequel les macronistes s’arrachent le plus les cheveux. Que faire avec sa présidente, qui compte dans ses rangs des élus MoDem ? Certains députés franciliens militent pour une liste autonome, mais la question n’est toujours pas tranchée. « Je souhaite de la clarté politique chez les sortants, se contente de répondre Stanislas Guerini. Valérie Pécresse dit que l’Ile-de-France est son laboratoire, probablement pour une autre ambition, mais a-t-on vraiment besoin d’un laborantin ? » Jean-Michel Blanquer a été particulièrement sollicité par le mouvement et les parlementaires pour porter le drapeau de La République en marche face à l’ex-LR. Mais, malgré une envie de se laisser tenter au début de l’été, selon un cadre LREM, le ministre de l’Education ferme désormais la porte à triple tour.
Le cas Olivier Véran est également énigmatique. Avant d’entrer au gouvernement en remplacement d’Agnès Buzyn, partie à la conquête de la mairie de Paris, l’Isérois ne cachait ni son envie de briguer la présidence de la région AuvergneRhône-Alpes ni une excitation certaine à l’idée d’en découdre avec Laurent Wauquiez. Mais, depuis, le visage de la lutte contre le Covid-19 a pris une tout autre dimension, et plusieurs macronistes assurent qu’Emmanuel Macron ne souhaite pas que son ministre de la Santé quitte le navire en pleine tempête, surtout si une deuxième vague frappe le pays. « Véran, c’est compliqué. On n’a pas envie de faire le coup de Buzyn deux fois de suite », explique un dirigeant du mouvement. Certains membres du gouvernement ont en revanche des ambitions affichées, à l’image du ministre chargé des Relations avec le Parlement Marc Fesneau en région CentreVal-de-Loire, ou d’Emmanuelle Wargon, qui se verrait bien prendre la tête de liste dans le Val-de-Marne aux départementales. Le temps presse : les premiers arbitrages, tant sur la stratégie que sur les personnalités, devraient être connus d’ici deux à trois semaines.
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