Le prix de notre obsession égalitariste
L’ÉGALITÉ. UN FANTASME FRANÇAIS
TALLANDIER, 288 P. 18,90 €. WWWWW
Inspecteur des finances devenu dirigeant de diverses entreprises privées, Michel de Rosen porte un regard acéré sur la société française. Avec L’Egalité. Un fantasme français, il publie un essai stimulant sur une des originalités de cette dernière : son obsession de l’égalité. Pour souligner cette spécificité, l’auteur fait la remarque que, parmi les 191 pays ayant une devise nationale, la France est le seul où y figure le mot « égalité ». Fort de ce constat, il entreprend de traiter le sujet de façon théorique, philosophique et empirique, via d’abondants rappels statistiques sur l’état des inégalités en France et dans le monde. Ne se perdant pas en circonlocutions, il affirme clairement son but : démontrer que cette originalité française est une incongruité. Il mobilise donc chiffres et raisonnement économique pour prouver combien le discours ambiant tendant à dénoncer une société de plus en plus inégalitaire est idéologique, et qu’il occulte la réalité. A ses yeux, ce dont souffre la France, c’est moins d’inégalités que d’une faible mobilité sociale, de la pénalisation de la croissance par une fiscalité plus confiscatoire que réellement redistributive, et de la détérioration de l’enseignement qui ne permet plus aux jeunes talents de s’affirmer.
L’auteur n’hésite pas à remettre en question certains poncifs, rappelant que la stigmatisation de la désormais célèbre « théorie du ruissellement » ignore le fait que l’entrepreneur qui s’enrichit est porteur d’une croissance dont tout le monde profite. Et que c’est dans les pays qui déposent le plus de brevets et où se créent le plus d’entreprises que la pauvreté recule, que la mobilité sociale s’accroît. Il appelle donc les Français à faire preuve de lucidité et même de courage, en cessant de se gargariser de mots et de se raccrocher à des visions dépassées de l’économie.
De ce manque de réalisme, Michel de Rosen donne pour exemple la propension à se référer sans cesse au programme du Conseil national de la Résistance, dont il écrit qu’il était « remarquable, sympathique, mais trompeur ». Face à un Etat providence devenu obèse et vivant à crédit au point d’avoir généré une dette publique sans précédent, il demande à nos dirigeants de renoncer à la facilité démagogique de la condamnation des riches et d’assumer une politique de vérité. Ce qui exige du pragmatisme de la part du pouvoir dans la gestion quotidienne des problèmes sociaux et, à plus long terme, de la détermination dans le redressement budgétaire et le renforcement de l’exigence scolaire. Il faut donc lire ce livre, même – ou plutôt surtout – si l’on est persuadé que la France s’abîme dans les inégalités et l’injustice sociale.