Affaire LVMH-Tiffany : et si l’Etat restait à sa place?
LDans une économie de plus en plus protectionniste, la France bombe le torse et essaie de faire du « soft-Trump ».
e feuilleton LVMH-Tiffany est parti pour durer des semaines, mais nous pouvons déjà en tirer un enseignement : les Etats sont revenus dans la mondialisation, de façon désordonnée et imprévisible. Ceux qui voient dans le montebouro-chevènementisme l’espoir du retour de la voix des peuples confondue avec celles des Etats, elles-mêmes confondues avec l’intérêt général, s’en réjouiront. Ceux qui, comme moi, préfèrent un ordre mondial fondé sur le droit et les échanges s’en désolent. De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Depuis son élection, il y a quatre ans, Donald Trump a mis en place une politique protectionniste, d’abord face à la Chine, ensuite face à l’Europe. Sur ces questions, le diagnostic de l’administration américaine n’est pas entièrement faux. La Chine a, pendant des décennies, pillé la propriété intellectuelle occidentale sans réponse de notre part. Il était temps qu’un gouvernement s’en préoccupe alors que l’Organisation mondiale du commerce s’est révélée incapable de le faire. Simplement, en déclenchant une guerre commerciale mondiale, Trump a utilisé le pire des moyens, un moyen qui pénalise autant les Américains et les Européens que les Chinois. Car chaque fois qu’un pays augmente ses droits de douane, c’est avant tout ses propres ressortissants qu’il appauvrit.
La France n’est pas exempte de reproches. En instaurant une taxe Gafa alors même que les pays de l’OCDE étaient sur le point de réformer, ensemble, la fiscalité des entreprises pour la rendre plus juste et plus efficace, notre pays a braqué les Américains, qui, en retour, nous menacent, évidemment, de l’arme qu’ils maîtrisent le mieux : les droits de douane. C’est pour bomber le torse face à cette sommation que le ministère des Affaires étrangères a demandé au conseil d’administration de LVMH de ne pas acheter Tiffany. La France essaie de faire du « soft-Trump ». Bernard Arnault est sans doute ravi de cette prise de position arrivée à point nommé. Mais le coeur du sujet n’est pas là. Ces interventions intempestives des Etats minent le compromis multilatéral de l’après-guerre, qui avait débouché sur une extraordinaire période de paix et de prospérité. Elles nous font revenir à une époque mercantiliste où les relations internationales et économiques n’étaient pas civilisées. De ce point de vue, il ne faut pas nourrir trop d’espoir dans une possible élection de Joe Biden. La gauche américaine est elle-même devenue protectionniste, troquant la réflexion intellectuelle profonde, qui fut sa marque de fabrique, contre une pensée facile et, en économie, souvent populiste, destinée à courir derrière Trump.
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