En Côte d’Ivoire, les effets secondaires du coronavirus
Centrées sur la lutte contre la pandémie, les forces sanitaires et l’aide internationale ont délaissé d’autres priorités, comme le paludisme.
Dans la salle d’attente ouverte aux quatre vents, une vingtaine de personnes, des femmes surtout, patientent sur les bancs nus en béton. « Petit à petit, ça revient à la normale », observe Bertin Koffi, responsable du centre de santé d’Abobo BC, un quartier populaire d’Abidjan. « Au début de l’épidémie, les gens avaient tellement peur de venir ici que, certaines journées, nous n’avions aucun patient ! » se souvient-il. En cause, la crainte d’« attraper le corona ». « Ils préféraient se soigner chez eux avec des mixtures traditionnelles à base de feuilles d’arbre plutôt que de venir chercher nos médicaments », raconte ce médecin qui, avec son équipe, a dû parcourir les ruelles défoncées environnantes pour rassurer les habitants.
Grâce à la jeunesse de sa population et à la réactivité des autorités, la Côte d’Ivoire, comme la plupart des autres pays africains, a été relativement épargnée par la pandémie de Covid-19. Depuis la détection du premier cas en mars et jusqu’au 11 septembre, 119 personnes « seulement » en sont mortes. Toutefois, il est possible que cette crise sanitaire ait eu des effets collatéraux, en nuisant à la lutte contre d’autres maladies infectieuses dans la région. En 2014-2016, Ebola avait tué 11 000 individus directement, et 10 000 autres de façon indirecte, selon un chercheur camerounais.
« La baisse de la fréquentation des centres de santé a été générale, constate le Dr Solange Amethier, présidente de l’instance de coordination ivoirienne du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Des gens n’ont pas pu être diagnostiqués, et d’autres, malades de la tuberculose ou du sida, se sont retrouvés affaiblis en ne prenant plus leur traitement régulièrement, explique-t-elle. Ces personnes courent le risque que d’autres infections se greffent sur leur maladie et les emportent rapidement. » La responsable ne dispose pas encore de chiffres pour évaluer cette possible surmortalité.
Pour le paludisme, l’Organisation mondiale de la santé avait alerté en avril dernier sur le risque d’un doublement du nombre de morts par rapport à 2018. L’Afrique subsaharienne concentre 94 % des décès de cette maladie véhiculée par les moustiques. Cinq mois plus tard, le Dr Antoine Tanoh se veut rassurant. « Nos remontées du terrain n’indiquent pas de flambée », relate le directeur du programme national de lutte contre le paludisme, première cause de consultation en Côte d’Ivoire. « Le Covid est arrivé dans le pays trois mois avant le début de la saison des pluies, ce qui nous a laissé le temps de sensibiliser les populations. » Mais pas de fournir des moustiquaires imprégnées d’insecticide. Prévue tous les trois ans, la distribution a été repoussée à l’an prochain.
Les projets de recherche ont également subi un coup d’arrêt. « Nous ne pouvions plus aller dans les villages, raconte Serge Assi, chercheur en parasitologie à l’institut Pierre-Richet à Bouaké, dans le centre du pays. Avec nos protections, les habitants nous prenaient pour des cosmonautes et ils craignaient qu’on leur apporte la maladie. » A plus long terme, le financement de nouvelles études ne semble pas remis en question. « Les fonds dégagés pour la riposte contre le Covid-19 sont ajoutés – et non soustraits – à ceux prévus pour lutter contre les autres maladies », assure Solange Amethier, du Fonds mondial, l’un des principaux donateurs internationaux. Des garanties bienvenues, mais qui amènent le chercheur Serge Assi à s’interroger. « Quand on compare le nombre de morts du Covid19 en Afrique [32 000] à celui du paludisme [380 000 en 2018], il y a deux poids et deux mesures, juge-t-il. Si seulement nous pouvions mettre autant de moyens sur la table en aussi peu de temps pour trouver enfin un vaccin contre le paludisme… » ✷
Evolution du PIB prévue pour 2020
EtatsUnis - 8%
Canada - 8,4 %
Mexique - 10,5 %