L'Express (France)

« Start-up nation » : quand l’Elysée fait de la résistance

- ERWAN BRUCKERT

Au Château, même le Wi-Fi est un combat de tous les jours. ous sommes en 2020 après JésusChris­t. papier au numérique, comme Emmanuel Toute la France se met petit à Macron lui-même, amateur de manuscrits, petit au flex office, aux brainstorm­ings, malgré son petit laptop personnel. « Hélas, à l’optimisati­on de l’espace, à l’agilité en c’est sa manière de travailler », se marre une entreprise… bref, à la « start-up nation ». ancienne collaborat­rice.

Toute ? Non. Au coeur du pouvoir, une forteresse Bien entendu, certaines insuffisan­ces, résiste encore et toujours : l’Elysée. notamment en matière technologi­que, Et la vie n’est pas facile pour les jeunes relèvent de la contrainte d’assurer la sécurité ouailles du président, qui ont mené campagne électroniq­ue des lieux. La plupart des sur de nouvelles façons de faire la anciens membres de cabinet du chef de politique. « L’Elysée est une vieille maison, l’Etat interrogés pensent spontanéme­nt à une dame un peu âgée, indique avec une l’absence de Wi-Fi dans les couloirs, presque certaine nostalgie un ancien proche collaborat­eur traumatisé­s par la nécessité perpétuell­e d’Emmanuel Macron. Mais, surtout, de s’asseoir à leur poste. « Pas pratique ». ce n’est pas adapté pour bosser : c’est « Anachroniq­ue ». Certes, mais qu’y a-t-il un lieu de vie transformé en lieu de travail. de plus ouvert à tous les vents qu’un Wi-Fi ? Quand vous y entrez, vous ne poussez pas « L’enjeu sécuritair­e est immense, martèle les portes de l’Ecole 42 de Xavier Niel ou de un proche d’Emmanuel Macron. Je vous la Halle Freyssinet, dans le XIIIe arrondisse­ment, rappelle que l’ambassade américaine est à c’est certain. » 500 mètres : depuis de Gaulle, l’organisati­on

En entrant au 55, rue du FaubourgSa­int-Honoré, est faite pour éviter toute intrusion dans la Macronie triomphant­e, le système téléphoniq­ue, puis Internet. » perpétuell­ement connectée, capable de Il en va de même pour les téléphones portables, bosser avec un pouf tablette sur les genoux, ultrasécur­isés : la moindre applicatio­n ou de rédiger des notes sur son smartphone installée, si elle est au préalable autorisée, à partir du moment où elle gagne de précieuses fait l’objet d’une batterie de tests pour minutes, a, un temps, été quelque passer ses failles au crible. Et si, par malheur, peu perturbée par la rigidité du lieu. Un celle-ci est mise à jour par son développeu­r, conseiller, habitué à la vie en entreprise, tout est à refaire. Ce qui a au moins le mérite s’est pris de plein fouet le contraste entre d’annihiler l’addiction à Candy Crush les codes du secteur privé parisien branché, pendant les heures de travail. son organisati­on de l’espace millimétré­e pour une maximisati­on de la productivi­té, et son nouveau quotidien élyséen, corseté par le poids du passé. « Ce ne sont pas les standards de conditions de travail que tu attends quand tu viens de l’extérieur, embraye-t-il. Les gens sont très loin les uns des autres, avec le bureau du PR [NDLR : président de la République] au milieu, donc tu passes ta journée à cavaler. Il y a beaucoup de salles, mais quasiment que des petits espaces. Et, évidemment, il n’y a pas d’open space ni d’espaces de flex office… » D’autres parlent plus directemen­t d’organisati­on « inefficace », voire « complèteme­nt dysfonctio­nnelle », avec seulement deux salles de réunion, ce qui limite fortement les moments de réflexion collective. Sans compter que, chez les conseiller­s en tout cas, on privilégie toujours autant le

NL’organisati­on bureaucrat­ique du Château, son agilité, mériteraie­nt, elles aussi, une légère mise à jour. Quelques semaines après l’installati­on de la nouvelle équipe à l’Elysée, Emmanuel Macron part en visite à l’étranger, flanqué d’un communican­t pour réaliser des vidéos de son voyage. Au retour, Sibeth Ndiaye, alors conseillèr­e presse du président, manque de s’étouffer quand on lui apporte la facture de son protégé : plusieurs milliers d’euros de « hors forfait 4G », la faute à une interdicti­on de jouir d’un « forfait étranger ».

De l’avis de beaucoup d’anciens de la maison, celle-ci aurait besoin d’un bon dépoussiér­age. Seulement, une telle modernisat­ion de l’agencement de l’espace et des outils de travail ne se fait pas en un claquement de doigts. Il ne s’agit pas ici de déplacer quelques planches de bois et armoires Ikea, mais d’un mobilier national de grande valeur. Et pareils travaux impliquera­ient de débourser beaucoup, beaucoup d’argent du contribuab­le. « C’est probableme­nt ce qu’il faudrait faire, or dans notre course à la diminution des coûts, on ne peut pas se le permettre, glisse un proche du président. En plus, ce serait difficilem­ent audible pour le grand public. »

Au sommet de l’Etat, l’échec n’est toutefois pas envisageab­le. Un ancien membre du premier cercle d’Emmanuel Macron est catégoriqu­e : « C’est une débauche d’énergie et de temps là où, un peu partout, la technologi­e a permis de soulager le joug du quotidien. Les conseiller­s et agents travaillen­t dans de très mauvaises conditions ; heureuseme­nt qu’ils ont le service public chevillé au corps. »

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Transforme­r le palais de l’Elysée, un lieu de vie, en espace de travail : laborieux !

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