Jadot contre les maires Verts
Les déclarations clivantes des élus EELV gênent le député européen dans sa stratégie pour l’élection présidentielle.
Ne dites pas à ses camarades écologistes qu’il adore le Tour de France. Il est aussi favorable à l’organisation des Jeux olympiques à Paris, c’est dire si son cas est grave. Yannick Jadot veut emmener les Verts à l’élection présidentielle, mais le fossé entre lui et eux ne se comble pas au fil des semaines. Les maires Europe Ecologieles Verts (EELV) élus avant l’été, à Bordeaux, Lyon ou Poitiers, suscitent polémique sur polémique par des propos et des mesures clivants : vélo, 5G, même le sapin de Noël, qui n’en peut mais, se fait enguirlander.
« Avant, quand les écolos parlaient, tout le monde s’en foutait. Aujourd’hui, il suffit qu’un conseiller municipal dise une connerie pour que cela devienne un événement national » : Yannick Jadot philosophe sur la nouvelle place occupée par son parti. Mais se préparer à la compétition élyséenne empêche de prendre ces discordes à la légère. Le député européen sait que se retrouver dans la peau de ceux qui snobent l’une des compétitions les plus populaires de France n’est pas le meilleur moyen de tendre la main aux électeurs. Il voudrait introduire de la nuance – par exemple, sur la 5G, pour laquelle il est favorable à un moratoire afin de « se donner quelques semaines d’intelligence collective » – là où son organisation pèche par idéologie.
Au retour des vacances, quand la France redoutait une nouvelle vague épidémique, s’interrogeait sur son rôle au Mali, discutait d’un plan de relance à 100 milliards, EELV avait trouvé son sujet de débat : le match entre Yannick Jadot et le maire de Grenoble, Eric Piolle. Dès lors, le député européen a suggéré d’accélérer le calendrier interne de désignation du candidat pour la présidentielle. Il n’a suscité, en réaction, que des moues dubitatives, et le vote prévu lors du conseil fédéral, le 19 septembre, afin de trancher la question s’annonce compliqué pour lui. Il ne s’agit pas ici de querelles d’ego, mais bien d’une différence majeure de stratégie. Piolle a voté Jean-Luc Mélenchon en 2017 et continue de pencher de ce côté, quand Jadot vise les déçus du macronisme encore résignés à ce jour à voter pour le président à seule fin de battre Marine Le Pen. Aux municipales, EELV a voulu transformer Toulouse en laboratoire d’une « innovation démocratique » en associant toute la gauche jusqu’à LFI, et la ville est restée à droite ; Jadot a préféré Bordeaux, où son parti l’a emporté sans pactiser avec l’extrême gauche (Jadot dirait parce qu’il n’a pas pactisé avec LFI). Le rassemblement de ces sensibilités ne sera pas aisé. Cette fois, ce sont certaines des priorités de Yannick Jadot qui resteront au travers de la gorge de ses camarades : il veut gagner en crédibilité sur le terrain de l’économie, notamment en construisant une relation, « même contractualisée », avec les entreprises, sans laquelle on ne peut pas selon lui gouverner le pays. Bon courage.
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