Jospin-Chevènement : ils ne se quitteront donc jamais
Les deux hommes ne se parlent plus depuis la présidentielle de 2002. Les voilà qui publient un livre en même temps.
Faut-il vraiment croire au hasard du calendrier ? Dix-huit ans ont passé depuis un funeste premier tour de l’élection présidentielle, qui vit Lionel Jospin éliminé à 200 000 voix près, pendant que Jean-Pierre Chevènement obtenait 5,3 % des suffrages et quelque 1,5 million de voix. Depuis ce temps-là, il incarne aux yeux de certains la figure du salaud.
En ce mois de septembre 2020, Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement se retrouvent côte à côte en librairie. Comme souvent, l’ancien Premier ministre semble plus enclin à parler à la gauche qu’à la France, à partir d’un postulat qu’il n’entend pas voir contesté : « On peut douter » que le résultat de 2002 ait été « la juste sanction d’années d’échec ». Le voilà salué par JeanLuc Mélenchon (celui-ci serait bien ingrat s’il ne le faisait pas, tant l’ex-trotskiste semble tomber du côté du leader de la France insoumise) et Cécile Duflot, comme aux grandes heures de la gauche plurielle. 2002 ? Dans Un temps troublé (Seuil), une phrase une seule : « La victoire aurait été possible », mais « en se présentant, Jean-Pierre Chevènement et Christiane
Taubira en ont décidé autrement ». L’ancien ministre de l’Intérieur n’est pas, non plus, à une provocation près : voilà qu’il va chercher chez saint Matthieu le titre de ses Mémoires, Qui veut risquer sa vie la sauvera (Robert Laffont). Voilà qu’Emmanuel Macron aime à le citer. Et l’intéressé semble plus enclin à parler de la République que de la gauche. La mode Jospin et la mode Chevènement ne défileront pas ensemble.
« Je n’ai jamais pu avoir une explication de vive voix avec Lionel Jospin », écrit Jean-Pierre Chevènement. Qui se montre plus prolixe à donner son éclairage sur cet épisode. « Si Lionel Jospin avait voulu m’empêcher d’être candidat, il aurait eu un moyen très simple d’y parvenir : c’était […] de ne pas franchir la ligne rouge que j’avais tracée sur un sujet qui, à ses yeux, aurait dû n’avoir aucune importance » (l’octroi d’un pouvoir législatif à la Corse). Il note que la « curée » dont il a été l’objet n’a servi qu’à « la déculpabilisation du PS ». Ce sont bien, ajoute-t-il, « deux lignes politiques » qui se sont affrontées plus que deux personnalités. La suite de l’histoire semble le confirmer.
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