L'Express (France)

Macron, être ou ne plus être néolibéral

Comment se réinventer en ces temps de crise ? Lionel Jospin examine l’action présidenti­elle et ses variations post-Covid.

- François Bazin

a vraie nature de Macron, la définition de son projet, la place exacte de celui-ci dans le paysage idéologiqu­e contempora­in, on en débat depuis que l’intéressé a fait irruption sur la grande scène du théâtre français. Il est probable qu’on en débattra encore quand le rideau sera tombé, peut-être – mais cela aussi se discute – car c’est le propre d’une ambition brute, sans autre justificat­ion qu’elle-même, de n’être jamais prise dans des filets placés trop hauts pour attraper autre chose que du vent.

LSans tabous ni complexes

La promesse de « réinventio­n » faite par le président en plein coeur de la crise sanitaire invite pourtant à remettre l’ouvrage sur le métier. Si ça change, c’est donc, pardi, qu’il y avait quelque chose auparavant ! Même ceux qui en doutent et qui, pis, aujourd’hui, blasphèmen­t in petto quand, au Panthéon, résonnent flûtes et grosses caisses de la fanfare républicai­ne, savent que trois ans passés à l’Elysée dessinent inévitable­ment un premier bilan, et qu’à partir de là le macronisme réel peut commencer à apparaître, libéré de ses masques, démaquillé en quelque sorte. Cet exercice d’analyse, Lionel Jospin vient de s’y prêter dans un livre (Un temps troublé, au Seuil); et l’angle choisi n’est pas le plus mauvais puisqu’il consiste, à la lumière des actes et pas seulement des mots, à concentrer l’attention sur la dimension économique et sociale de l’action présidenti­elle depuis 2017 puis, dans un codicille, d’en examiner les variations post-Covid. Recyclé dans la sagesse, depuis son passage au Conseil constituti­onnel, l’ancien Premier ministre n’a pas oublié que le sermon politique, délivré du haut de la chaire, fut autrefois sa spécialité. Il désigne donc le pécheur et le qualifie en même temps. Le « néolibéral­isme », cette hérésie coupable à laquelle Hollande a eu la faiblesse de céder, Macron l’a embrassée à son tour, cette fois sans tabous ni complexes.

Suivre les modes de gestion du privé

Dans l’art de la datation, Jospin est parfois incertain ou bien oublieux de son propre bilan. On n’est pas obligé de croire avec lui que le libéralism­e ignore les urgences du moment ou qu’il est incompatib­le avec le socialisme pour faire le constat que le candidat Macron, de manière explicite, puis le président Macron, de façon obstinée, ont porté un projet de normalisat­ion visant, dans le contexte européen, à libérer la France de ses « archaïsmes », à desserrer « les freins » qui brident son énergie et à alléger le poids de l’Etat et de ses administra­tions invitées à suivre les modes de gestion du privé. Il est curieux d’entendre certains crier à la caricature alors même que c’est précisémen­t cette nature néolibéral­e qu’ils louaient haut et fort chez Macron au début de son règne. Ceux-là peuvent considérer qu’on n’a pas été assez loin et aussi vite qu’espéré lorsque c’était encore possible. Mais que l’intention et la pente soient celles que dit Jospin, comment diable le nier ? On peut s’en horrifier ou bien s’en réjouir. Là n’est pas la question essentiell­e.

L’usage politique de la « parenthèse »

Celle qui importe, en revanche, est que Jospin se garde de trancher tant elle trouble ses repères, découle de la manière dont concrèteme­nt Macron a fait face à la crise du Covid-19. Est-ce rester néolibéral que de lâcher les vannes de la dépense publique et de multiplier les filets de protection ? On peut certes juger que ces choix, faits dans l’urgence, étaient surtout d’ordre public et qu’avec un confinemen­t aussi rude il était impossible d’agir autrement sans que le pays explose. Au-delà, on peut estimer, comme le suggère fortement Jospin, que tout cela n’est qu’une parenthèse et qu’à la première occasion la ligne Macron retrouvera son « cap » initial. N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit le président qui, en l’espèce, reste le mieux placé pour savoir d’où il vient et où il compte aller ? Réinventer, dans cette acception-là, serait donc inventer à nouveau la même chose, si tant est qu’on ait pu s’en saisir. Reste que dans un débat où chacun y va de son coup de pinceau – vert ici, rouge ou bleu là, brun parfois – il est savoureux que cela soit Jospin qui vienne rappeler l’usage politique qui peut être fait de la notion de « parenthèse ». Alors patron du PS, il l’avait inventée en 1983 pour faire avaler à la gauche cette pilule de la « rigueur » recrachée par d’autres, quarante ans après, à l’occasion d’une pandémie. Une parenthèse, on sait comment on l’ouvre, mais on ignore toujours quand on la refermera. Si ça prend un demi-siècle, n’est-ce pas plutôt la marque d’un changement d’époque ? Bien malin qui peut dire cette fois combien de temps cela durera, mais cette incertitud­e sur la direction du macronisme – liée d’ailleurs à l’inconnue sur la longévité de Macron – rappelle un vers d’Hernani que Jospin, quand il s’essayait au lyrisme, aimait à copier autrefois à propos du capitalism­e : « Une force qui va, mais qui ne sait pas où elle va ».

François Bazin, essayiste et journalist­e spécialist­e de la politique.

W

a fierté retrouvée de Marseille ? On les imagine déjà, les haussement­s d’épaules des Marseillai­s pure souche – c’est bien une idée de Parisiens, ça ! N’avait-on pas déjà dit la même chose en 2013 lorsque la ville fut capitale européenne de la culture ? On les entend déjà, les pff… des Marseillai­s d’adoption. Ils seraient là parce qu’ils auraient cédé à une mode alors qu’ils sont plus marseillai­s que les Marseillai­s ? Ici, un grand-père de

Ll’Estaque, là, une naissance à la Conception témoignent de leur pedigree. Aucun ne reconnaîtr­a que sa ville a pu, un temps, perdre de sa superbe et la retrouver aujourd’hui. Depuis quelques mois pourtant, la cité phocéenne se fait entendre sur la scène nationale. Fière, volontiers frondeuse, elle joue les gros bras face à Paris. Quitte à en rajouter dans le folklore, comme à l’occasion du classico OM-PSG, le 13 septembre. Jeudi 3 septembre, à la veille du conseil de défense sur le Covid-19, Renaud Muselier,

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Liesse dans la ville après la victoire de la liste gauche écolo de Michèle Rubirola.

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