Macron, être ou ne plus être néolibéral
Comment se réinventer en ces temps de crise ? Lionel Jospin examine l’action présidentielle et ses variations post-Covid.
a vraie nature de Macron, la définition de son projet, la place exacte de celui-ci dans le paysage idéologique contemporain, on en débat depuis que l’intéressé a fait irruption sur la grande scène du théâtre français. Il est probable qu’on en débattra encore quand le rideau sera tombé, peut-être – mais cela aussi se discute – car c’est le propre d’une ambition brute, sans autre justification qu’elle-même, de n’être jamais prise dans des filets placés trop hauts pour attraper autre chose que du vent.
LSans tabous ni complexes
La promesse de « réinvention » faite par le président en plein coeur de la crise sanitaire invite pourtant à remettre l’ouvrage sur le métier. Si ça change, c’est donc, pardi, qu’il y avait quelque chose auparavant ! Même ceux qui en doutent et qui, pis, aujourd’hui, blasphèment in petto quand, au Panthéon, résonnent flûtes et grosses caisses de la fanfare républicaine, savent que trois ans passés à l’Elysée dessinent inévitablement un premier bilan, et qu’à partir de là le macronisme réel peut commencer à apparaître, libéré de ses masques, démaquillé en quelque sorte. Cet exercice d’analyse, Lionel Jospin vient de s’y prêter dans un livre (Un temps troublé, au Seuil); et l’angle choisi n’est pas le plus mauvais puisqu’il consiste, à la lumière des actes et pas seulement des mots, à concentrer l’attention sur la dimension économique et sociale de l’action présidentielle depuis 2017 puis, dans un codicille, d’en examiner les variations post-Covid. Recyclé dans la sagesse, depuis son passage au Conseil constitutionnel, l’ancien Premier ministre n’a pas oublié que le sermon politique, délivré du haut de la chaire, fut autrefois sa spécialité. Il désigne donc le pécheur et le qualifie en même temps. Le « néolibéralisme », cette hérésie coupable à laquelle Hollande a eu la faiblesse de céder, Macron l’a embrassée à son tour, cette fois sans tabous ni complexes.
Suivre les modes de gestion du privé
Dans l’art de la datation, Jospin est parfois incertain ou bien oublieux de son propre bilan. On n’est pas obligé de croire avec lui que le libéralisme ignore les urgences du moment ou qu’il est incompatible avec le socialisme pour faire le constat que le candidat Macron, de manière explicite, puis le président Macron, de façon obstinée, ont porté un projet de normalisation visant, dans le contexte européen, à libérer la France de ses « archaïsmes », à desserrer « les freins » qui brident son énergie et à alléger le poids de l’Etat et de ses administrations invitées à suivre les modes de gestion du privé. Il est curieux d’entendre certains crier à la caricature alors même que c’est précisément cette nature néolibérale qu’ils louaient haut et fort chez Macron au début de son règne. Ceux-là peuvent considérer qu’on n’a pas été assez loin et aussi vite qu’espéré lorsque c’était encore possible. Mais que l’intention et la pente soient celles que dit Jospin, comment diable le nier ? On peut s’en horrifier ou bien s’en réjouir. Là n’est pas la question essentielle.
L’usage politique de la « parenthèse »
Celle qui importe, en revanche, est que Jospin se garde de trancher tant elle trouble ses repères, découle de la manière dont concrètement Macron a fait face à la crise du Covid-19. Est-ce rester néolibéral que de lâcher les vannes de la dépense publique et de multiplier les filets de protection ? On peut certes juger que ces choix, faits dans l’urgence, étaient surtout d’ordre public et qu’avec un confinement aussi rude il était impossible d’agir autrement sans que le pays explose. Au-delà, on peut estimer, comme le suggère fortement Jospin, que tout cela n’est qu’une parenthèse et qu’à la première occasion la ligne Macron retrouvera son « cap » initial. N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit le président qui, en l’espèce, reste le mieux placé pour savoir d’où il vient et où il compte aller ? Réinventer, dans cette acception-là, serait donc inventer à nouveau la même chose, si tant est qu’on ait pu s’en saisir. Reste que dans un débat où chacun y va de son coup de pinceau – vert ici, rouge ou bleu là, brun parfois – il est savoureux que cela soit Jospin qui vienne rappeler l’usage politique qui peut être fait de la notion de « parenthèse ». Alors patron du PS, il l’avait inventée en 1983 pour faire avaler à la gauche cette pilule de la « rigueur » recrachée par d’autres, quarante ans après, à l’occasion d’une pandémie. Une parenthèse, on sait comment on l’ouvre, mais on ignore toujours quand on la refermera. Si ça prend un demi-siècle, n’est-ce pas plutôt la marque d’un changement d’époque ? Bien malin qui peut dire cette fois combien de temps cela durera, mais cette incertitude sur la direction du macronisme – liée d’ailleurs à l’inconnue sur la longévité de Macron – rappelle un vers d’Hernani que Jospin, quand il s’essayait au lyrisme, aimait à copier autrefois à propos du capitalisme : « Une force qui va, mais qui ne sait pas où elle va ».
François Bazin, essayiste et journaliste spécialiste de la politique.
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a fierté retrouvée de Marseille ? On les imagine déjà, les haussements d’épaules des Marseillais pure souche – c’est bien une idée de Parisiens, ça ! N’avait-on pas déjà dit la même chose en 2013 lorsque la ville fut capitale européenne de la culture ? On les entend déjà, les pff… des Marseillais d’adoption. Ils seraient là parce qu’ils auraient cédé à une mode alors qu’ils sont plus marseillais que les Marseillais ? Ici, un grand-père de
Ll’Estaque, là, une naissance à la Conception témoignent de leur pedigree. Aucun ne reconnaîtra que sa ville a pu, un temps, perdre de sa superbe et la retrouver aujourd’hui. Depuis quelques mois pourtant, la cité phocéenne se fait entendre sur la scène nationale. Fière, volontiers frondeuse, elle joue les gros bras face à Paris. Quitte à en rajouter dans le folklore, comme à l’occasion du classico OM-PSG, le 13 septembre. Jeudi 3 septembre, à la veille du conseil de défense sur le Covid-19, Renaud Muselier,