Les Gardiens de la révolution en embuscade
Les réformateurs au pouvoir, sous la houlette de Hassan Rohani, perdent du terrain. Les conservateurs pourraient en profiter.
PAR QUENTIN MÜLLER, AVEC TOOBA MOSHIRI, À ARDABIL (IRAN)
« quartier général de l’imam Hassan », une organisation caritative et idéologique censée aider les familles démunies.
Cette initiative est tout sauf innocente. Galvanisés par la victoire des conservateurs en février, les pasdaran pensent de plus en plus à l’élection présidentielle, prévue l’été prochain. « Depuis 2015, leur influence n’a cessé de s’étendre, commente Kasra Aarabi, analyste au Tony Blair Institute for Global Change. Ils sont implantés partout, sauf au Parlement. »
Ils ont, déjà, leur candidat : Parviz Fattah. Ministre de l’Energie de 2005 à 2009, sous Ahmadinejad, membre des pasdarans, cet ancien combattant de la guerre Iran-Irak affiche un solide cursus. « Il occupe aujourd’hui le devant de la scène pour avoir osé parler de la corruption du système durant une interview accordée à la télévision d’Etat, analyse Jonathan Piron, spécialiste de l’Iran au sein du cercle de réflexion Etopia. Fait rare, il s’en est pris à tout le spectre politique, allant jusqu’à pointer des proches du guide Khamenei, véritable détenteur du pouvoir. Habile, il sait prendre un ton populiste et se placer du côté des opprimés. »
Une victoire des pasdaran pourrait « accélérer la militarisation du régime, pronostique Kasra Aarabi. La politique étrangère iranienne serait totalement sous leur contrôle. » L’ayatollah Khamenei, âgé de 81 ans, souhaite en effet passer à la deuxième phase de la révolution islamique. Pour diriger le pays, il ambitionne un gouvernement jeune et hezbollahi (idéologiquement dur), qui préservera la révolution des pressions extérieures. « Fattah serait un candidat idéal pour mettre ce programme en oeuvre, notamment parce qu’il cultive des liens personnels avec le président syrien Bachar el-Assad, le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah et de hauts gradés des milices irakiennes Hachd al-Chaabi », poursuit cet expert.
Seule l’élection américaine pourrait raviver les chances du camp des réformateurs. « S’il est élu, Joe Biden a promis de réintégrer l’accord sur le nucléaire, rappelle Azadeh Kian, professeure francoiranienne de sociologie politique à l’université Paris-Diderot. Il y aurait alors un nouvel élan d’espoir au sein de la société iranienne, qui pourrait préférer un dirigeant plus modéré, tel l’actuel ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, capable de dialoguer avec les Américains. » Mais cela fait beaucoup de « si »…
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