Et si les valeurs européennes prenaient leur revanche?
Moins bien valorisées que les actions américaines, celles du Vieux Continent pourraient afficher une meilleure résistance si les marchés dévissaient de nouveau.
Mal aimées, les actions européennes ? Ces dernières années, les investisseurs institutionnels ont eu tendance à les bouder au profit des valeurs nord-américaines. Logique, les Bourses du Vieux Continent affichent de moindres performances. Les indices en témoignent : depuis début 2020, le S&P 500 (les 500 plus grosses sociétés cotées aux Etats-Unis) enregistre une performance de 12 % supérieure à celle du Stoxx Europe 600 (les 600 plus grosses pour l’Union européenne)*. Et, après la chute vertigineuse des marchés provoquée par la pandémie, les américaines ont, là encore, fait mieux : + 41,5 %, contre + 32,85 % de l’autre côté de l’Atlantique (performance en euros, dividendes réinvestis, du 23 mars au 4 septembre).
Faut-il, de ce fait, surpondérer les titres américains dans ses portefeuilles ? Mauvaise tentation, répondent les gérants de fonds. « La surperformance des indices américains est en très grande partie due à quelques mégacapitalisations du secteur des technos, au premier rang desquelles les Gafa, souligne Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM. Or, aujourd’hui, ce secteur est sujet à une certaine fragilité, en raison du prix élevé des titres sur lesquels les investisseurs se sont récemment positionnés de façon massive. Si les Bourses subissaient un nouveau trou d’air, les valeurs européennes résisteraient donc probablement mieux, d’autant qu’elles se situent à des niveaux de valorisation beaucoup plus raisonnables. »
Les analyses convergent, par ailleurs, sur la perspective d’un maintien par la Banque centrale européenne de sa politique monétaire ultra-accommodante, jusqu’à la sortie de la récession économique. « Un environnement de taux obligataires qui devraient rester négatifs, si l’on prend en compte l’inflation, est très favorable aux actions, commente Alexandre Baradez, responsable des analyses de marchés chez IG France. Les investisseurs institutionnels seront contraints de soutenir cette classe d’actifs pour générer de la performance. » Sans compter que les entreprises de l’Union se montrent très résilientes. Face à la récession économique, « elles retrouveront rapidement leur profitabilité en utilisant la même technique qu’après la crise des subprimes », analyse Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis. Traduisez : des gains de productivité supérieurs à l’augmentation de la masse salariale.
Pour autant, la prudence s’impose dans les prochains mois. A l’instar du CAC 40, les indices européens se sont rapidement relevés après leur chute brutale, mi-mars, mais ils n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant. « Ils évoluent depuis trois mois en dents de scie et ne dessinent pour l’heure aucune tendance claire. Mais leur potentiel de gain à un horizon de trois ou quatre ans reste fort », tranche Alexandre Baradez. A condition de savoir sélectionner les bons secteurs. Mieux vaut limiter son investissement dans les entreprises à forte croissance, trop chères payées en Bourse aujourd’hui, et privilégier des sociétés plus traditionnelles.