Un accès au crédit de plus en plus sélectif
Le coût des prêts à l’habitat reste très favorable aux emprunteurs. Mais certains profils se voient aujourd’hui pénalisés.
C’est reparti à la baisse ! « Après avoir augmenté pendant le confinement de 0,1 à 0,8 point selon les établissements, les taux des crédits immobiliers ont légèrement baissé en août de – 0,5 à – 0,1 point », constate Xavier Lacombe, cofondateur d’Artémis courtage. Si l’on emprunte aujourd’hui à un coût un peu plus élevé qu’en début d’année (avec un taux allant de 1 à 1,6 %), les conditions restent très favorables (voir tableau). Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les banques déroulent le tapis rouge sous les pieds des très bons profils, quand les clients plus fragiles financièrement peinent davantage à décrocher leur prêt qu’à la fin de 2019. Une sélectivité accrue non pas liée à la crise sanitaire, mais à une recommandation du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), de décembre 2019. Consignes ? Limiter la durée maximale des crédits à vingtcinq ans et le taux d’endettement des emprunteurs à 33 % de leurs revenus, quel que soit leur reste à vivre.
Ce durcissement des conditions d’octroi se traduit par un taux de refus de 5 % des dossiers présentés aux banques par Artémis, soit quasiment le double d’avant décembre. Il frappe de plein fouet les primo-accédants, principalement les jeunes ménages ne disposant pas d’un apport personnel estimé suffisant. Tout candidat au crédit doit, en effet, désormais doter son projet de financement d’une épargne personnelle couvrant au minimum les coûts annexes : frais de notaire et de garantie (hypothèque…), ainsi que les honoraires d’agence immobilière.
La crise économique provoquée par la pandémie a ajouté son lot de restrictions supplémentaires. « Un dossier tangent mais acceptable l’an passé, à savoir un taux
Taux : août 2020 d’endettement maximal et un apport minimal, peut être jugé trop risqué aujourd’hui si le demandeur exerce son activité dans une PME, dans les secteurs les plus exposés à la récession : aéronautique, tourisme, événementiel, etc. », avertit Xavier Lacombe. En revanche, les courtiers n’ont pas encore relevé une plus grande sévérité systématique à l’égard des chefs d’entreprise et autres professions indépendantes.
« Les établissements appliquant strictement les règles posées par le HCSF se sont, depuis, très nettement recentrés sur les profils moyen-haut de gamme, c’està-dire percevant au moins 3 000 euros par mois, auxquels ils réservent leurs meilleures offres. Dans un tiers des banques, le revenu est le premier paramètre d’évaluation du risque. Alors que les deux autres tiers vont moduler leur taux, d’abord en fonction du montant de l’apport personnel », observe Bruno Risser, directeur Développement et stratégie du courtier Cafpi.
Etre à l’aise financièrement ne garantit toutefois pas l’obtention de son financement. La clientèle des investisseurs locatifs multipropriétaires qui cumulent différentes mensualités est régulièrement écartée en raison de la règle du taux d’endettement maximal à 33 %. Les revenus fonciers dégagés par les acquisitions locatives précédentes sont certes pris en compte pour chiffrer les revenus, mais seulement à hauteur de 70 %, dans le meilleur des cas. Certains prêteurs se montrent plus restrictifs encore (voir page X).
L’heure est aussi à la renégociation pour les propriétaires en cours de crédit. Conditions de base afin que l’opération soit rentable : un remboursement courant encore sur quinze ans environ et un nouveau taux inférieur d’au moins 0,5 point au précédent. « Un acquéreur ayant décroché un coût de 1,4 % sur vingt ans en 2016 peut espérer aujourd’hui un taux canon de 0,8 % sur seize ans avec un bon dossier, souligne Bruno Risser. Son profil de risque s’est amélioré car il a déjà amorti une part du capital sur son emprunt initial. » Quel que soit le projet, un tour comparatif des banques s’impose dès l’automne. Une période où, habituellement, les écarts se creusent entre les offres des établissements. Ceux qui sont en retard sur leurs objectifs de 2020 s’efforcent de présenter des conditions ultraconcurrentielles, quand les autres ont tendance à remonter leurs taux.
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