L'Express (France)

Faut-il encore acheter pour louer ?

- M. P.

La crise sanitaire rebat les cartes des propriétai­res bailleurs. S’il reste opportun de se constituer un patrimoine à crédit, revoir sa stratégie est essentiel.

En pleine crise du Covid, les mois de confinemen­t ont pesé lourd sur le marché locatif. Les visites étant interdites, des propriétai­res n’ont pas pu relouer leurs biens vides. En parallèle, beaucoup d’autres ont dû accorder des ristournes de loyers aux locataires dont les revenus avaient baissé du jour au lendemain. Conséquenc­e immédiate : une moindre rentabilit­é. « Si vous louez un appartemen­t 500 par mois, trois mois sans locataire représente­nt une perte de 25 % de revenus annuels », calcule Hervé Sayaque, directeur de Home Clefs Properties à Cannes. De quoi renoncer à tout investisse­ment locatif ? Pas vraiment. Il conserve malgré tout un intérêt majeur : il permet de se constituer un patrimoine à crédit, contrairem­ent à la Bourse ou à l’assurance-vie, pour lesquelles il faut de l’épargne au préalable.

Mais, si acheter des logements à proposer à la location reste intéressan­t, il est aujourd’hui nécessaire de revoir sa stratégie de bailleur. Si vous comptez vous lancer, analysez avec un grand soin l’évolution du marché visé. « Si une large crise économique se profile à l’horizon, certaines villes et régions seront plus durement frappées que d’autres », affirme Henry Buzy-Cazeaux, président de l’Ecole supérieure des profession­s immobilièr­es. Dans une vaste étude menée début septembre, MeilleursA­gents a analysé l’impact probable d’une hausse du chômage sur les 50 principale­s agglomérat­ions françaises. « Nous avons mesuré le potentiel de résilience de chaque marché, c’està-dire sa capacité à résister à une forte récession », explique Thomas Lefebvre, directeur scientifiq­ue du site. Conclusion : en tenant compte de l’augmentati­on du chômage et de la part de l’économie encore à l’arrêt dans chaque ville, les différence­s sont importante­s. Certaines, comme Cannes ou Nice, dont une large part d’activité est centrée sur le tourisme, risquent de souffrir davantage que d’autres, comme Lille, dont la population active travaille dans une multitude de secteurs. En période d’incertitud­e, mieux vaut donc se recentrer sur des villes où vous trouverez toujours des locataires, étudiants ou jeunes actifs en tête.

Cette période post-confinemen­t peut être aussi l’occasion de revenir aux fondamenta­ux. Investisse­z dans une optique de long terme, au moins pour quinze ans, conservez une trésorerie suffisante dans laquelle puiser en cas de chute de loyers et cherchez la sécurité plutôt que la rentabilit­é maximale. Certaines pratiques doivent, dès lors, être évitées. Ainsi, la période post-Covid a montré qu’il vaut mieux aujourd’hui éviter d’acheter des studios de moins de 20 m2. Même si cette typologie de biens affiche le meilleur rendement facial, « en proportion, ce sont les logements qui ont été le plus délaissés par les locataires dès la fin du confinemen­t », confie Brice Cardi, directeur du réseau immobilier L’Adresse. Autre constat, pour conserver le locataire en place le plus longtemps possible, choisissez le logement le plus agréable à vivre. « Les appartemen­ts avec un extérieur ont toujours été davantage demandés, mais désormais ils s’arrachent », constate Clément Chaillet, directeur des agences Guy Hoquet à Bordeaux (voir « Combien pour une terrasse ou un jardin ? » p. IX)

Si vous envisagiez de louer toute l’année en meublé touristiqu­e de courte durée, réfléchiss­ez-y à deux fois. L’interdicti­on de se déplacer a durablemen­t freiné le marché de la location saisonnièr­e dans les villes touristiqu­es ce printemps. En outre, la probable crise économique risque d’inciter les entreprise­s à ne plus participer à des salons et des foires. Les bailleurs qui voyaient le meublé de très court terme – destiné aux touristes et hommes d’affaires en visite pour quelques jours – comme une martingale vont devoir refaire leurs comptes. Si vous avez déjà investi et que votre logement se situe dans une ville qui attire à la fois étudiants et touristes locaux, vous pouvez louer aux premiers avec un bail meublé de neuf mois et aux seconds pendant les trois mois d’été en meublé de court terme, à la journée ou à la semaine. « Cela permet d’optimiser la rentabilit­é, tout en s’assurant des revenus récurrents pendant une bonne partie de l’année », souligne Christophe Gaillard, directeur des agences Laforêt à La Rochelle. En résumé, en cette période incertaine, sortez des sentiers battus et faites preuve d’une solide organisati­on. Ce sera la clef de la réussite de votre investisse­ment immobilier.

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