La beauté pénalisée par l’effet masque
Le secteur a déjà perdu 400 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année. Mais l’e-commerce continue sa percée du confinement.
Avoir les rayons garnis et les allées désertes, on se demande combien de temps ce grand magasin de beauté parisien va pouvoir tenir. « C’est sûr qu’il n’y a pas foule. Mais ça repart un peu. Des clientes ont peur d’un reconfinement, elles font du stock », souffle une vendeuse masquée derrière son comptoir.
Pourquoi ce désamour ? D’abord parce que les habituées ne peuvent plus essayer librement les produits en boutique. Mais c’est surtout le télétravail et le port du masque obligatoire qui ont mis le marché à mal. Et cela se ressent dans les ventes. Ce sont les rouges à lèvres qui souffrent le plus (- 53 % sur un an selon le cabinet NPD), devant le maquillage (- 38 %), les crèmes (- 35 %), et le parfum
(- 22 %). A noter, assez logiquement, que depuis avril, le mascara s’est envolé (+ 150 %), tout comme les fards à paupières (+ 116 %).
Le chiffre d’affaires cumulé de la beauté prestige vendue en parfumerie ou en grand magasin – 3 milliards d’euros en 2019 – a déjà fondu de 400 millions d’euros pendant les six premiers mois de l’année. « Tout le monde regarde vers Noël, car cette clientèle privilégiée a épargné pendant la crise et le secteur pourrait tirer son épingle du jeu », anticipe Mathilde Lion, analyste beauté chez NPD. Il devrait malgré tout manquer un demi-milliard dans les caisses à la fin de 2020. « Nous souffrons encore de l’absence des touristes étrangers », pointe Christophe Masson, président de la Cosmetic Valley, principale filière professionnelle du secteur. En effet, d’après une étude réalisée en 2019 par le cabinet Asterès, la consommation des touristes pèserait un cinquième du chiffre d’affaires des entreprises cosmétiques en France. Enfin, il faut noter la montée en puissance de l’e-commerce (+ 34 % sur un an quand les magasins sont à - 30 %) : ses bonnes performances pendant le confinement se maintiennent, et achèvent de déstabiliser la distribution dite physique.
Les produits sont pourtant, eux, disponibles. Pas de rupture de stock ou de matières premières, les 3 500 usines françaises (dont 80 % de PME/TPE) sont même reparties très vite après trois semaines d’arrêt au printemps. « Ce qui nous a permis de répondre à la demande de gel hydroalcoolique. Un tiers de nos entreprises en ont produit », se félicite Christophe Masson. Preuve que le secteur est pris dans les vents mauvais de la crise, beaucoup de campagnes de communication ont été stoppées net et certains lancements de produits, retardés. Pour la beauté, ce n’est pas un redémarrage, mais plutôt un nouveau départ qu’il va falloir dessiner au plus vite.