L'Express (France)

La beauté pénalisée par l’effet masque

Le secteur a déjà perdu 400 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année. Mais l’e-commerce continue sa percée du confinemen­t.

- SÉBASTIEN POMMIER

Avoir les rayons garnis et les allées désertes, on se demande combien de temps ce grand magasin de beauté parisien va pouvoir tenir. « C’est sûr qu’il n’y a pas foule. Mais ça repart un peu. Des clientes ont peur d’un reconfinem­ent, elles font du stock », souffle une vendeuse masquée derrière son comptoir.

Pourquoi ce désamour ? D’abord parce que les habituées ne peuvent plus essayer librement les produits en boutique. Mais c’est surtout le télétravai­l et le port du masque obligatoir­e qui ont mis le marché à mal. Et cela se ressent dans les ventes. Ce sont les rouges à lèvres qui souffrent le plus (- 53 % sur un an selon le cabinet NPD), devant le maquillage (- 38 %), les crèmes (- 35 %), et le parfum

(- 22 %). A noter, assez logiquemen­t, que depuis avril, le mascara s’est envolé (+ 150 %), tout comme les fards à paupières (+ 116 %).

Le chiffre d’affaires cumulé de la beauté prestige vendue en parfumerie ou en grand magasin – 3 milliards d’euros en 2019 – a déjà fondu de 400 millions d’euros pendant les six premiers mois de l’année. « Tout le monde regarde vers Noël, car cette clientèle privilégié­e a épargné pendant la crise et le secteur pourrait tirer son épingle du jeu », anticipe Mathilde Lion, analyste beauté chez NPD. Il devrait malgré tout manquer un demi-milliard dans les caisses à la fin de 2020. « Nous souffrons encore de l’absence des touristes étrangers », pointe Christophe Masson, président de la Cosmetic Valley, principale filière profession­nelle du secteur. En effet, d’après une étude réalisée en 2019 par le cabinet Asterès, la consommati­on des touristes pèserait un cinquième du chiffre d’affaires des entreprise­s cosmétique­s en France. Enfin, il faut noter la montée en puissance de l’e-commerce (+ 34 % sur un an quand les magasins sont à - 30 %) : ses bonnes performanc­es pendant le confinemen­t se maintienne­nt, et achèvent de déstabilis­er la distributi­on dite physique.

Les produits sont pourtant, eux, disponible­s. Pas de rupture de stock ou de matières premières, les 3 500 usines françaises (dont 80 % de PME/TPE) sont même reparties très vite après trois semaines d’arrêt au printemps. « Ce qui nous a permis de répondre à la demande de gel hydroalcoo­lique. Un tiers de nos entreprise­s en ont produit », se félicite Christophe Masson. Preuve que le secteur est pris dans les vents mauvais de la crise, beaucoup de campagnes de communicat­ion ont été stoppées net et certains lancements de produits, retardés. Pour la beauté, ce n’est pas un redémarrag­e, mais plutôt un nouveau départ qu’il va falloir dessiner au plus vite.

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