LES LETTRES D’ESTHER
PAR CÉCILE PIVOT. CALMANN-LÉVY, 320 P., 19,50 €. *****
Pour avoir lu toutes les heures de sa vie, Bernard Pivot s’est consacré tardivement à l’écriture. Il en est de même pour sa fille cadette, la journaliste Cécile. Elle aussi s’est longtemps plongée à corps perdu dans la lecture – en 2018, ils comparaient leurs pratiques dans un séduisant témoignage à deux voix, Lire ! – avant de sauter allègrement le pas. Après Battements de coeur, l’an dernier, voici Les Lettres d’Esther. Une réussite que ce roman qui cache bien son jeu. Derrière un canevas original mais de facture classique – un atelier d’écriture sous forme d’échanges épistolaires –, Les Lettres d’Esther brassent avec finesse une infinité de thématiques : difficultés du couple, recherche des origines, relations parents-enfants, instinct maternel, affrontement du deuil, maltraitance animale, appât du gain. Et, surtout, ces Lettres évoquent le formidable pouvoir libérateur de l’écriture.
Pas de panique. Rien n’est pontifiant ici ni larmoyant, tout est subtilement incarné par six personnages bien plantés, qui se révèlent au fur et à mesure de leurs correspondances : certains, que l’on croyait des rocs, dévoilent leurs fêlures, d’autres, a priori antipathiques, emportent notre bienveillance. Ainsi de Jean, la cinquantaine, homme d’affaires solitaire sans états d’âme, ou encore de Samuel, jeune homme désoeuvré et sans passion. A leurs côtés, Esther, la libraire lilloise, instigatrice de l’atelier, Jeanne, la veuve retraitée du Lyonnais, et un couple en perdition depuis la naissance de la petite Adèle et la dépression post-partum de Juliette – remarquablement décrite. Au-delà des maux, les mots salvateurs de Cécile Pivot dessinent les voies du mieux-être. Revigorant.