L'Express (France)

Librairie de l’économie Comment la France est devenue la championne du luxe

- PAR LAURENCE PICOT. EPA/ARTE ÉD. 256 P., 39,95 €. EMMANUEL LECHYPRE

Peu nombreux sont les ouvrages d’économie entrant dans la famille restreinte de ce qu’il est convenu d’appeler les « beaux livres », ces grands formats protégés d’une épaisse couverture en tissu, imprimés sur papier glacé et riches de photos et d’illustrati­ons. Voilà pour l’aspect « luxe ». Mais ce n’est pas le seul mérite de ce livre, fruit de vingt ans de recherche et d’enquête. Car, côté « secrets », Laurence Picot, journalist­e dans l’âme, nous offre un surprenant voyage à travers des siècles de savoir-faire français.

Première surprise : non, la France n’a pas toujours été la championne du luxe. C’est Colbert, qui, en 1663, va faire du développem­ent de ce secteur un levier majeur du redresseme­nt économique d’un royaume en souffrance, en proie à une pandémie et aux déficits publics, un contexte pas si différent de celui que nous connaisson­s aujourd’hui… Les secrets du luxe artisanal, de la rareté et de la pièce unique, les Français vont aller les voler partout dans le monde : en Italie pour les miroirs ou en Chine pour les laques…

Donc, non, la France n’a pas toujours été la championne mondiale du luxe. Mais elle devient à ce moment la championne incontesté­e des industries du luxe. Et la nuance est de taille. Colbert va mettre en place une véritable stratégie pour mobiliser les arts et les sciences au service des orfèvres, malletiers, stylistes, cristallie­rs, horlogers et parfumeurs, et fonder des manufactur­es où seront produits en grande quantité des objets de haute qualité. Ces derniers porteront les noms de leurs lieux de fabricatio­n (Saint-Gobain, Sèvres, Baccarat…) avant que leur soient attribués des patronymes d’entreprene­urs, de Vuitton à Christofle, à partir du xixe siècle…

L’ouvrage est traversé de personnage­s hauts en couleur, des femmes à l’audace sans limite, des hommes machiavéli­ques, des savants pas tous fous, des économiste­s pas tous avisés, des philosophe­s célèbres et des espions invisibles, sans oublier toutes les petites mains qui gravitent autour des créateurs. S’il fallait n’en retenir que deux, citons Rose Bertin, la couturière de MarieAntoi­nette, la première véritable styliste de l’Histoire, et « Mme Pompon Newton », de son vrai nom Emilie du Châtelet. Mathématic­ienne, joueuse compulsive, libertine, amie de Voltaire, elle est l’une des deux scientifiq­ues françaises du siècle des Lumières à être entrées dans les annales scientifiq­ues et a beaucoup écrit sur le luxe. Seule frustratio­n à l’issue de la lecture de ces pages : que l’auteure ne s’aventure pas au-delà de la fin du xixe siècle et ne dise pas un mot des formidable­s bouleverse­ments qui ont transformé le secteur au xxe siècle. Sachant que frustratio­n ne signifie en aucun cas reproche…

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