Niksen, ou l’art de ne rien faire
Flemmasser, paresser, rêvasser... et si ces mots à connotation négative étaient une clef du bonheur ? Un concept venu des Pays-bas semble le prouver...
Pas de grandes tablées ni de réunions familiales ou amicales cette année... Vous craignez de vous ennuyer ? Et si vous acceptiez ces plages d’inactivité pour les mettre à profit ? Aux Pays-Bas, on revendique les bienfaits du Niksen, contraction littérale de niks doen (ne rien faire). Contrairement à l’ennui, qui nous empêche d’agir, le principe du Niksen vise à s’adonner à l’oisiveté volontairement et sans but. Ce concept fait l’objet d’un ouvrage publié cet été aux éditions First par la journaliste Olga Mecking, qui nous invite à « maîtriser l’art de ne rien faire ».
Attention, il ne s’agit pas là de lire un magazine, de faire défiler son fil Instagram ou de méditer. Mais de regarder par la fenêtre, de se promener sans intention précise ou d’écouter de la musique. « Le Niksen n’exige pas que l’on soit conscient de son corps, de sa respiration, du moment présent ou de ses pensées, explique l’auteure. C’est tout le contraire : on s’en sert pour s’évader et se perdre un moment. » Selon Jenny Odell, qui a signé How to Do Nothing : Resisting the Attention Economy (que l’on pourrait traduire par Comment ne rien faire : résister à l’économie de l’attention), « il s’agit de trouver de petits espaces interstitiels d’activités, sans objectif, chaque fois que l’occasion se présente. C’est quelque chose que l’on peut pratiquer dans le bus, en faisant la queue, dans les moments impromptus : il suffit de décider d’observer autant que possible, sans jugement, avec la volonté d’être surpris. » Ce qui en découle ? Un sentiment bienvenu de repos, mais aussi une plus grande créativité. « Avez-vous remarqué que les meilleures idées nous viennent souvent sous la douche ? » souligne Olga Mecking. Comme l’indique Chris Bailey, expert en productivité, interrogé dans son livre : « Les rêvasseries permettent de relier entre elles les myriades d’idées qui tourbillonnent dans notre esprit et de les transformer en solutions qui ne nous seraient pas venues autrement. Encore moins si nous y avions consacré toute notre attention. » Le cerveau fait ainsi le tri dans les informations récentes, construit la mémoire et fait sourdre de nouvelles pistes à suivre.
Alors pourquoi est-ce si difficile de s’adonner de son plein gré à une telle inaction, et surtout de l’assumer ? Cela tient à des raisons comportementales comme l’hyperstimulation due à notre environnement ultraconnecté, auxquelles s’ajoute la honte de ne rien faire dans une société qui valorise l’action et la performance. Mais il semblerait que la pandémie amène une prise de conscience. Selon Olga Mecking, « nous nous rendons compte aujourd’hui de ce qu’il faut changer à titre individuel et au-delà. En faisant émerger des idées, le Niksen pourrait nous aider à répondre concrètement à ce type de questionnement fondamental : que sera notre monde d’après, et qui voulons-nous être une fois que tout sera fini ? »