L'Express (France)

NON / « LES CONDITIONS SONT PIRES QUE DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN »

- PAR DIDIER TRONO

Sur le plan épidémiolo­gique, la pratique du ski présente un certain nombre de risques. Le problème ne vient pas des pentes que l’on dévale, mais plutôt de la façon dont on les remonte : lorsque vous venez de terminer une piste noire et que vous montez dans une télécabine, vous êtes essoufflé, vous toussez parce que l’air est très froid et que cela irrite les bronches... En d’autres termes, les conditions ne sont pas les mêmes que dans les transports en commun. Le rassemblem­ent des skieurs en bas des pistes crée également un risque car, à ce moment-là, les distanciat­ions physiques ne sont pas respectées. En plus, les masques ont tendance à devenir humides en raison des basses températur­es, ce qui peut réduire leur efficacité.

Bien sûr, dans un monde idéal, il serait possible de skier. En laissant un espace de 2 mètres entre chaque skieur au bas des téléskis et des télésièges, en ne faisant monter ensemble que les personnes d’une même maisonnée, en fermant les bars et les restaurant­s – les principaux responsabl­es de l’apparition de foyers épidémique­s dans certaines stations au printemps dernier –, on limiterait suffisamme­nt les risques. Mais pourrait-on vraiment mettre en place un tel régime ? Et, surtout, serait-ce souhaitabl­e d’un point de vue économique ? De telles mesures se traduiraie­nt par de très longues queues au pied des pistes. Il faudrait aussi arriver à inculquer une discipline extraordin­aire : une tâche difficile lorsqu’on voit qu’à Verbier, en Suisse, des dizaines de skieurs se sont agglutinés au bas des remontées pour le premier week-end de la saison.

En tant que skieur, je suis bien sûr peiné par la situation actuelle, mais il ne faut pas oublier que dans le passé, il n’y avait pas de canons à neige et que l’hiver était parfois trop doux. On pourrait peut-être se dire que cette année, c’est un hiver sans neige, comme au bon vieux temps, et que l’on se rattrapera la fois suivante.

Didier Trono, responsabl­e du laboratoir­e de virologie et de génétique de l’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne et membre de la Swiss National Task Force Covid-19, l’équivalent du Conseil scientifiq­ue français.

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