L'Express (France)

Sur la place des crèches de Noël

Une mairie peut-elle accueillir une crèche de la Nativité? Dans ce débat, la confusion le dispute souvent à la mauvaise foi.

- PAR ANNE ROSENCHER

Le maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard, aura donc, cette année encore, inauguré la petite polémique de saison en installant une crèche de Noël dans la cour d’honneur de l’hôtel de ville. Comme chaque fois, ce fut l’occasion, ici ou là, d’un débat confus et rarement cordial. Tentons, tout de même, d’exposer deux ou trois choses sans se fâcher, en examinant un à un les arguments servis par le premier édile de Béziers et d’autres avec lui.

Et d’abord, l’argument selon lequel les racines chrétienne­s de la France justifiera­ient l’installati­on de crèches dans les lieux publics. Honnêtemen­t, ça ne tient pas debout. Notre pays a évidemment des racines chrétienne­s : l’affirmer relève du pléonasme historique. Celles-ci ne sont, au reste, pas pour rien dans l’origine même de notre laïcité (voir l’interview de Jacques Julliard, page 50). Or que dit, justement, la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ? En son article 28, elle précise qu’il est interdit « d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacemen­t public ». Y installer une crèche constitue donc bien une entorse.

Le deuxième argument fréquemmen­t invoqué consiste à plaider l’innocuité de ladite entorse : les principaux coups de boutoirs contre la laïcité venant, aujourd’hui, de l’islam politique, il faudrait « ficher la paix » aux édiles qui installent des crèches de la Nativité. Certains vont même plus loin, en déclarant contribuer ainsi à édifier un rempart culturel et politique contre l’islamisme. Curieuse démarche, vraiment, qui prétend combattre les assauts de l’adversaire en affaibliss­ant le bouclier qui en protège. Car enfin, voilà qui est vieux comme le principe même de justice : le « deux poids, deux mesures » est un poison qui rend tout caduc sur son passage. Dans le cas des crèches, il alimente la confusion, offre un boulevard aux clientélis­tes de toutes obédiences, et nourrit ceux qui prétendent que la laïcité française est en réalité le faux nez de la haine de l’islam. Dernier argument : les crèches de Noël ne relèveraie­nt pas du cultuel mais du culturel, et échapperai­ent ainsi au champ de la laïcité. Cette affirmatio­n est, je pense, de mauvaise foi. Car enfin, il ne faut pas avoir fait le séminaire pour savoir que la Nativité, c’est-à-dire Dieu fait homme dans le dénuement originel de la paille, est l’un des symboles les plus puissants de la chrétienté. Le renvoyer aux citrouille­s de Halloween ou au Père Noël de Coca-Cola ne semble pas le meilleur hommage à lui rendre. D’ailleurs, de nombreux chrétiens en sont conscients, pour qui la place d’une crèche de Noël est tout simplement à l’église ou dans les foyers.

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