La décroissance, seule issue
LESS IS MORE. HOW DEGROWTH WILL SAVE THE WORLD
généralement, les livres sur la décroissance agacent. Ils sont peu prisés non seulement des économistes pour qui la croissance est le seul levier possible du progrès, mais aussi des responsables politiques, car les perspectives qu’ils ouvrent leur paraissent davantage destinées aux « rêveurs » qu’à ceux qui sont aux affaires et contraints par les logiques financières. Pourtant, un livre sur ce thème, écrit par un anthropologue de l’économie, natif du Swaziland, collaborateur régulier au Guardian et au Foreign Policy, figure bel et bien parmi les meilleurs ouvrages de l’année sélectionnés par le Financial Times.
L’auteur, Jason Hickel, aborde le sujet avec une certaine rigueur scientifique. Il dresse d’abord le constat, que d’autres ont fait avant lui, que la planète est face à un effondrement de sa biodiversité, et notamment de ses populations d’insectes et d’oiseaux. Or les insectes sont indispensables à la pollinisation des plantes et constituent la ressource alimentaire de milliers d’autres espèces. Pour l’auteur, si l’on n’avait besoin que d’un indicateur pour nous alerter sur l’urgence environnementale, celui concernant les insectes suffirait, car il donne à voir combien les milieux naturels sont à bout de souffle, épuisés par la chimie et achevés par l’augmentation des températures.
Dès lors, pour sauver la planète, le bon sens conduit, selon Jason Hickel, à s’engager dans la voie de la décroissance afin de redonner une chance aux écosystèmes et aux services essentiels qu’ils rendent aux humains. Mais cela reviendrait à remettre en question le capitalisme. Or s’il est une idée souvent balayée d’un revers de main sans même être analysée, c’est bien celle-ci. L’anthropologue a beau jeu d’expliquer qu’il est plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme : « Ce n’est pas une surprise. Après tout, le capitalisme, c’est tout ce que nous connaissons. Et même si l’on envisageait d’y mettre fin, qu’adviendrait-il ensuite ? Par quoi le remplacer ? » Singulier manque d’imagination, dénoncet-il, de la part de sociétés qui, dans d’autres domaines, veulent faire reculer les limites de la science et de la connaissance.
Pour Jason Hickel, croire que la technologie peut créer de la « croissance verte » est une illusion, à laquelle il avoue avoir lui-même succombé par le passé. La technologie, si utile soit-elle, ne pourra pas résoudre le problème qui, selon l’auteur, se pose en termes clairs : il est impossible de limiter la hausse des températures du globe à moins de 2 °C, tout en poursuivant un objectif de croissance de l’économie mondiale de 2 à 4 %. Ce sont deux objectifs contradictoires, et seule la décroissance peut nous permettre de sortir de l’impasse. A défaut d’être partagée par les élites économiques, la démonstration du chercheur ne manquera pas de séduire tous ceux qui ne se reconnaissent pas ou plus dans le système capitaliste.