L'Express (France)

Facebook, l’improbable démantèlem­ent

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

Alors que la Federal Trade Commission, l’autorité antitrust américaine, se risque à évoquer que Facebook pourrait être forcé de revendre WhatsApp et Instagram, le démantèlem­ent des Gafa prend soudaineme­nt un tour plus concret. Mais désosser ces géants de la Tech revient à s’abandonner à une facilité conceptuel­le dont l’inefficaci­té est garantie, et riche en écueils.

Le premier est juridique. Les prétendus monopoles des Gafa n’ont rien à voir avec ceux d’il y a un siècle. Amazon contrôle 38 % du e-commerce américain, mais seulement 6 % de l’ensemble du commerce de détail. En France, les proportion­s sont respective­ment de 23 % et 10 %, à cause du retard sur la vente en ligne (chiffres pré-Covid). Par ailleurs, l’entreprise bénéficie souvent au consommate­ur à qui elle offre plus de choix, et pour lequel elle contre les abus de prix, comme elle l’a fait en Allemagne en sanctionna­nt des revendeurs qui tiraient profit de la pénurie de papier toilette. Enfin, la firme est loin d’être un passage obligé pour vendre via le Net comme en témoigne la croissance fulgurante et mondiale du canadien Shopify.

Le second porte sur la faisabilit­é d’une telle opération. Depuis des années, les géants de la Tech intègrent toujours plus les infrastruc­tures techniques de leurs services. Et ils vont profiter d’années de procédures pour continuer.

Une solution serait d’effectuer des frappes chirurgica­les aux effets plus immédiats. Les cibles ne manquent pas : aux Etats-Unis, si la part globale d’Amazon est limitée, l’entreprise contrôle plusieurs marchés verticaux, comme celui des livres dont elle gère la moitié de la distributi­on physique et les trois quarts des formats numériques ; elle est aussi le no 3 de la publicité digitale après Google et Facebook, contraigna­nt les vendeurs tiers à investir dans de ruineuses promotions sous peine d’être invisibles. Google, de son côté, entretient un système d’enchères opaque et totalement inéquitabl­e pour les annonceurs. Facebook fait pire en vendant moins cher les publicités les plus agressives et outrancièr­es, qui seront donc virales. Et tous ces acteurs agrègent trop de données dans des conditions opaques.

S’attaquer à ces abus serait bien plus simple que de brandir le glaive radical et démagogiqu­e d’un improbable démantèlem­ent.

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