L'Express (France)

Elégants, intellos et déprimés : les Français vus de l’étranger

L’image de nos compatriot­es à l’internatio­nal n’est pas si mauvaise… Du patron du Mondial 2022 au petit-fils de Richard Nixon en passant par l’ex-président de la Commission européenne, cinq personnali­tés livrent leur regard bienveilla­nt.

- AXEL GYLDÉN, AVEC CÉLINE SCHOEN (BRUXELLES)

SUÈDE Veronika Wand-Danielsson

Ancienne ambassadeu­re en France (2014-2020)

« Ils aiment les idées et… la polémique » La passion des Français pour les grandes idées, pour le débat et la polémique politique me manque en Suède – surtout en comparaiso­n des moeurs et des discussion­s consensuel­les « à la suédoise », moins engagées et visant surtout la recherche d’un compromis. Seul bémol, ces idées sont parfois un peu trop ambitieuse­s pour être mises en oeuvre. Et, après que j’ai passé six fabuleuses années en France, dans la plus belle capitale du monde, il y a une chose qui ne me manque pas : les manifestat­ions de rue.

ÉTATS-UNIS Christophe­r Nixon Cox

Avocat et administra­teur de la Fondation Richard Nixon

« Ce sont les maîtres de l’élégance »

Mon grand-père [Richard Nixon, 19131994] m’a appris que les Français respectaie­nt deux choses : les bonnes manières et l’intelligen­ce. Outre la Chine, la France est probableme­nt le pays où, en dépit de l’affaire du Watergate, il a été le plus apprécié, probableme­nt parce que les Français, férus de géopolitiq­ue, savent qu’il est celui qui a stoppé la guerre du Vietnam, avec les accords de paix signés en 1973, à Paris. Je me rends régulièrem­ent dans cette ville où s’observe un niveau d’esthétisme et de sophistica­tion que l’on ne trouve pas ailleurs. Au restaurant, par exemple, les serveurs savent exactement comment se comporter, conviviaux mais jamais trop familiers. Le bon goût est partout. Il peut même se mesurer à la façon de porter un short qui, en France, sera toujours plus élégant qu’aux Etats-Unis ! Quant à la diplomatie, cet art d’éluder une question ou de dire non à un interlocut­eur sans le blesser, les Hexagonaux y excellent. Un jour que je demandais à un diplomate de haut vol quel était le meilleur restaurant de Paris, il m’a répondu, ne souhaitant froisser personne : « La table que je préfère est celle de mon fils, un excellent cuisinier. » Habile…

QATAR Hassan al-Thawadi

Secrétaire général du comité d’organisati­on du Mondial 2022

« Le Français, c’est Cyrano de Bergerac » Les Anglais ont créé le football, mais les Français ont inventé la Coupe du monde. Rappelons que Jules Rimet est à l’origine de cette compétitio­n – organisée pour la première fois en 1930 – et de la création de la Fédération internatio­nale de football associatio­n (Fifa). Mais ma relation avec la France va au-delà du ballon rond. Elle passe par la langue qui – même si je la parle imparfaite­ment – me procure un sentiment d’élévation dès que je la pratique. A mon oreille, l’arabe est un idiome parfait, mais l’élégance du français est indiscutab­le. Je l’ai découverte pendant mon enfance dans des films égyptiens, où l’emploi de mots français était fréquent. Par la suite, à la faveur de mes études aux Etats-Unis, à Houston (Texas), un ami m’a fait connaître les chansons de Charles Aznavour, que j’admire. Mon film préféré ? Cyrano de Bergerac ! [réalisé par Jean-Paul Rappeneau, en 1990] Mon lien avec la France tient également à des plaisirs simples, comme entrer dans une boulangeri­e parisienne au petit matin pour acheter un croissant qui sort du four !

CHINE Yin Xin Peintre spécialisé dans l’art sacré

« Le peuple le moins raciste du monde »

A Pékin, j’ai subi des discrimina­tions terribles, du fait que je venais du désert de Gobi. Etabli à Paris depuis trente ans, et ayant la chance d’avoir voyagé partout, je peux tranquille­ment affirmer que les Français sont les gens les moins racistes du monde. En outre, je ne connais pas de pays plus culturel que le leur. Ici, les artistes sont toujours respectés, même les plus mauvais ! Le défaut national, c’est d’être souvent déprimé. La mélancolie est parfois un moteur de création artistique. Mais, dans la vie, cela n’avance à rien.

LUXEMBOURG Jean-Claude Juncker

Ancien président de l’Eurogroupe (2005-2013) et de la Commission européenne (2014-2019)

« Très attachés à leur nombril »

Nous aimons dire que le Luxembourg est la Petite France de l’étranger… C’est aussi le nom d’un quartier à Strasbourg, dans lequel je me suis mû, pendant mes études et après. Cela ne m’empêche pas de nourrir des sentiments partagés. J’ai pu observer que la France est difficile à réformer. Dès que l’on touche aux droits acquis, à ce qui est cher aux Français, il y a une espèce de dérapage. Ailleurs, les manifestat­ions s’inscrivent dans une forme de quiétude démocratiq­ue ; en France, c’est toujours une éruption de violence. Je ne dirais pas que les Français sont nombrilist­es, mais ils sont très attachés à leur nombril. La France pense être une entité particuliè­re. C’est vrai. Mais elle est souvent détachée des problèmes des autres. En dépit d’une longue amitié franco-allemande, je note chez mes amis français un non-savoir béant à l’égard de leur voisin allemand. Et vice-versa. Cela fait la souffrance des Luxembourg­eois, car nous sommes les enfants du berceau francoalle­mand, et, finalement, les seuls spécialist­es des deux pays.

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