Coronavirus : comment gérer une opinion publique versatile ?
Réfractaires au vaccin ? Convaincus par le couvre-feu ? L’exécutif peine parfois à saisir l’état d’esprit des Français sur l’épidémie.
C’est la petite blague qui fait rire jaune les macronistes. Un Allemand, un Américain, un Britannique et un Français refusent de se faire vacciner contre le Covid19. Les trois premiers finissent par se laisser convaincre. Seul le Gaulois reste réfractaire à toute argumentation… jusqu’à ce qu’on lui explique qu’il n’a pas le droit de se faire vacciner. « Comment ça, je n’y ai pas droit ?! » Et d’exiger de se faire vacciner surlechamp. Fautil chercher dans ce cliché du franchouillard aussi jaloux de son libre arbitre qu’allergique à l’idée d’être moins bien traité que l’un de ses semblables la raison du revirement de l’opinion, désormais majoritairement favorable à la vaccination contre le SarsCoV2 ? « C’est tout le paradoxe. On ne veut pas se faire vacciner, et quand ça ne va pas assez vite, ça hurle, résume le médecin urgentiste et député LREM Thomas Mesnier. Il va falloir gérer la polémique sur la pénurie de doses, alors que, deux semaines plus tôt, on devait gérer celle sur la lenteur du plan de vaccination. » Ces joursci, c’est la capacité du laboratoire Pfizer d’honorer ses engagements de livraisons qui inquiète. « Quand vous rendez une chose rare, tout le monde se l’arrache », soupire JeanFrançois Eliaou, professeur d’immunologie et lui aussi député LREM.
Avec la pandémie, suivre – et comprendre – les variations de l’opinion est encore plus essentiel que d’ordinaire pour l’exécutif. Celuici n’ayant pas les moyens de mettre un policier derrière chaque citoyen, les effets du couvrefeu à 18 heures dépendront surtout de l’adhésion de chacun. De même qu’un plan de vaccination a plus de chances de fonctionner si la population est convaincue de ses bienfaits. En l’occurrence, le revirement de l’opinion sur le sérum antiCovid est plus complexe que notre petite blague ne le suggère.
La peur de la pénurie n’y serait pour rien selon JeanDaniel Lévy, directeur du département politique et opinion de Harris Interactive. « Ce sont deux débats différents. Les Français avaient besoin de réassurance, et c’est en voyant que plusieurs millions de personnes dans le monde se sont fait vacciner sans subir de conséquences négatives qu’ils ont évolué. » Rétrospectivement, ce n’était donc pas le nombre écrasant de réfractaires qu’il fallait observer dans les sondages du mois de décembre, mais les raisons qu’ils invoquaient. « Quand on leur posait une question ouverte, ils nous répondaient dans leur immense majorité que l’on manquait de recul sur le vaccin », se souvient Chloé Morin, experte associée à la Fondation JeanJaurès qui fut conseillère opinion à Matignon pendant le quinquennat de François Hollande. Résultat ? « Le gros problème du gouvernement est peutêtre d’avoir mal lu les études d’opinions au départ », poursuitelle. Le poids des « antivax » a été surestimé.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a luimême fini par esquisser un mea culpa sur sa stratégie vaccinale. « Nous avons sans doute internalisé l’espèce de défiance générale à l’égard des vaccins dont on parlait en permanence sur les plateaux et dans les familles », atil reconnu sur Europe 1 le 10 janvier. Avec une opinion désormais perçue comme impatiente, et un coup d’accélérateur exigé par le président de la République en personne, l’équipe de Jean Castex a revu sa copie en urgence : davantage de publics éligibles, les soignants de plus de 50 ans vaccinés en masse pour