L’âge d’or du design danois
Une galerie dédiée au mobilieCrhsacpaondinave vient d’ouvrir à Paris, la seule du genre dans la capitalec. hLa’opcocasion de (re)découvrir les pièces de deux créateurs emblématiques : Hans Wegner et Borge Mogensen.
D rôle de parcours que celui de Pierre Raguideau. Longtemps à la direction financière de grands groupes informatiques, ce diplômé de Sciences po a attendu plus de trente ans avant d’assouvir ses passions de toujours : le mobilier et les arts. Depuis septembre dernier, il officie derrière sa vitrine au 63, rue de Turenne, dans le Marais. Seule sur la place de Paris spécialisée dans les meubles scandinaves de collection, la galerie Pierre Arts Design frappe fort en exposant des pièces phares issues de l’âge d’or danois. Quid de cette période féconde ? Elle est le fruit de la conjonction de deux événements. D’abord, l’ouverture en 1924 d’un département mobilier au sein de l’Académie royale des beaux-arts de Copenhague, à l’initiative de Kaare Klint (1888-1954), pionnier du design moderne au Danemark. Ensuite, la création en 1926 par un groupe d’ébénistes danois d’un salon annuel, la Cabinetmakers’ Guild Exhibition, pour faire corps face à une forte concurrence allemande. Galvanisés par l’enseignement audacieux de Klint et le défi de montrer leurs oeuvres à la guilde, où ils rivalisent d’inventivité, les jeunes pousses du design local vont bientôt devenir les acteurs remarqués de cet âge d’or. La presse d’outre-Atlantique, notamment, s’intéresse de près au phénomène. On voit ainsi émerger Hans Wegner (1914-2007), le plus doué de la bande. Fils d’un fabricant de chaussures, il conçoit sa première chaise à l’âge de 15 ans, avant d’étudier à l’Ecole des arts et métiers de Copenhague, puis d’intégrer le bureau d’architecte d’Arne Jacobsen et d’Erik Moller, et enfin d’ouvrir son propre studio à Gentofte en 1943. Et c’est une chaise, justement, qui va forger sa légende : en 1949, Wegner crée le fauteuil JH (pour Johannes Hansen, son maître ébéniste attitré), une pièce plébiscitée par la revue américaine Interiors, qui la qualifie de « plus belle chaise du monde » et la rebaptise The Chair. Cerise sur le gâteau, le futur président John Kennedy, qui souffre de problèmes de dos et a eu vent de cette merveille, s’y installe, dans sa version en assise capitonnée, lors de son débat télévisé face à Richard Nixon à l’automne 1960. La version en chêne avec assise et dossier en cannage est considérée comme le modèle emblématique de Hans Wegner, qui en a produit plusieurs séries. Celui présenté à la galerie Pierre Arts Design fait partie de la première. Une pièce rare, donc, que le maître des lieux propose à 5 500 euros. Pas si cher, compte tenu du bel ouvrage, à la mesure de ceux de Jean Prouvé ou de Charlotte Perriand sous nos latitudes, et de son succès aux Etats-Unis qui ont fait connaître le design danois dans le monde entier. « Pour Hans Wegner, chaque détail de la conception doit avoir un intérêt organique », souligne Pierre Raguideau en feuilletant la monographie de Christian Holmsted Olesen, Wegner : Just One Good Chair. Paru en 2014,le livre décrypte sous toutes les coutures le credo du designer : « Un meuble doit être beau de tous les côtés. » Borge Mogensen (1914-1972) est l’intime de Wegner. Ils sont nés la même année, tous deux originaires de la péninsule du Jutland et biberonnés au génie de Kaare Klint. Parrain du fils de Wegner, Mogensen imagine pour l’enfant un siège révolutionnaire qui se monte et se démonte comme un Lego, sans vis ni attaches. « Tout au long de sa carrière, il a défendu une esthétique épurée et fonctionnelle à la base de l’école Klint, qu’il assaisonne à la sauce moderne », relate Pierre Raguideau. Sa Table de salon BM 260, dite aussi Hunting Coffee Table (1955), confirme son goût pour les meubles beaux, épurés et rationnels. Avec ses pieds en chêne, son plateau en teck et l’entretoise en acier noir maintenue par des écrous de laiton, c’est une pièce dépouillée qui fait son effet.