Hypersensibilité au travail : une force ?
Sentiments à fleur de peau, réactions exacerbées… Ces traits de caractère peuvent être de véritables atouts dans le milieu professionnel. a condition de savoir les mettre à profit.
Combien sont-ils ? 11 millions ? 20 millions ? Difficile de dénombrer précisément les hypersensibles en France, tant certains s’ignorent. Depuis trois ans, une journée mondiale leur est pourtant consacrée – le 13 janvier –, faisant la lumière sur ces personnalités qui, loin de l’image de faiblesse que la société veut leur prêter, possèdent de véritables atouts, a fortiori en situation de crise. La psychologue américaine Elaine N. Aron, spécialiste de ce trait de caractère, le définit ainsi* : du fait d’un « traitement plus méticuleux » des informations reçues par son cerveau, l’hypersensible est « capable de ressentir des degrés de stimulation et de nuances qui échappent aux autres, qu’il s’agisse de lumière ou de sons subtils, ou encore de sensations physiques telles que la douleur. […] Le problème survient lorsqu’il atteint un haut degré de stimuli. Comme une éponge, il les absorbe de manière beaucoup plus prononcée que les autres personnes. Aussi peut-il se sentir fatigué, dépassé ou plus vite surmené. » Pas facile, dans le milieu professionnel ! « L’hypersensibilité étant encore trop souvent perçue comme une faiblesse, certains ont appris très tôt à la masquer », explique Aurore Monard, auteure de Travailler autrement avec l’hypersensibilité, à paraître en février chez Alisio. Le risque ? Une capacité de suradaptation qui peut mener au burn-out. « Très empathique, se mettant (trop) facilement à la place de l’autre, l’hypersensible peut s’oublier à outrance, a fortiori s’il n’a pas connaissance ni conscience de ce trait. » A terme, il peut avoir tendance à accepter toutes les tâches ou des conditions de travail non satisfaisantes, jusqu’à la rupture. Pourtant, c’est dans l’univers professionnel que l’hypersensible peut révéler tout son potentiel. La condition : qu’y soit accepté son mode de fonctionnement, davantage orienté sur le ressenti que sur une rigueur pragmatique. Pour cela, il convient de connaître et d’accepter les besoins d’un tel collaborateur : un temps de réflexion plus long pour analyser chaque situation finement avant de prendre une décision et des phases de repos plus fréquentes en cours de journée afin d’apaiser le bouillonnement d’informations qui circulent dans son cerveau. L’hypersensible doit aussi se poser les bonnes questions : suis-je en phase avec mes valeurs ? Ce que je fais a-t-il du sens pour moi ? « Il a la question du sens chevillé au corps, explique Aurore Monard. Cela peut paraître un peu cliché, mais c’est souvent son coeur qui le guide en premier lieu. S’il est motivé par une vocation ou au moins convaincu de l’action qu’il mène, s’il se sent reconnu par ses pairs, il fera toujours de son mieux pour remplir son objectif, surtout si ce dernier participe à un mieuxêtre collectif. » Et, en effet, l’hypersensible est très précieux dans le travail en équipe, car il se révèle être un excellent manager. Point fort, son empathie supérieure à la moyenne lui permet de se mettre à la place des autres et d’être d’excellent conseil. En cas de crise, il se montre souvent stratège du fait d’une extrême adaptabilité, amenant à repenser une situation différemment et offrant des solutions originales et pertinentes. « Mon chef est souvent très sanguin, j’essaie donc de le tempérer et de lui donner ma vision de certaines situations. […] Je l’aide à éviter certains conflits et à préparer les réunions stratégiques en apportant un peu de sensibilité et de clairvoyance », témoigne Bérénice, responsable digitale en e-commerce, dans l’ouvrage d’Aurore Monard. Ce trait de personnalité « bien plus homogène et harmonieux sert les objectifs demandés, parfois au-delà des attentes et offre bien souvent une meilleure cohésion d’équipe », conclut l’auteure. En remettant la dimension humaine au centre des choses, les hypersensibles agiraient comme des révélateurs, montrant combien nous nous sommes coupés de notre propre affectivité, au travail comme dans la société.