La guerre Apple-Tesla aura-t-elle lieu ?
La marque à la pomme négocierait avec Hyundai pour fabriquer ses futures voitures électriques et autonomes. Si Tesla possède une large avance, Apple a de solides atouts dans sa manche.
Une voiture Apple sur les routes dès 2024! La rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre, électrisant les « Apple addicts » et affolant le cours de Bourse de Hyundai, annoncé comme le partenaire industriel de la firme de Cupertino (Californie). Certes, cette dernière n’a pas souhaité réagir et le constructeur coréen, après avoir confirmé des négociations en cours, a très vite fait machine arrière. Mais il semblerait que la marque à la pomme soit bien en piste pour concurrencer Tesla, notamment, avec un véhicule électrique et autonome. Ce qui n’a finalement rien de très surprenant : dès 2014, l’entreprise dirigée par Tim Cook avait annoncé le lancement de son « projet Titan », faisant plancher plusieurs centaines d’ingénieurs sur un prototype de voiture électrique capable de rouler sans intervention humaine. « A l’époque, Apple avait même débauché des talents de chez Tesla », raconte Michaël Valentin, associé fondateur chez Opeo, et auteur du livre Le Modèle Tesla. Du toyotisme au teslisme : la disruption d’Elon Musk (Dunod, 2018). Mais la route s’est révélée bien plus sinueuse que prévu. « En 2018, un de leurs prototypes a provoqué un accident, ce qui a refroidi les dirigeants d’Apple. Un an plus tard, ces derniers ont débarqué 200 ingénieurs, dont le chef du programme », rappelle Arnaud Aymé, associé chez Sia Partners et spécialiste des transports. Une stratégie en dents de scie qui a questionné sur les ambitions réelles du géant de la Tech dans l’automobile. D’autant que nombre d’analystes se demandent pourquoi la marque à la pomme souhaite flirter avec une industrie affichant des marges souffreteuses – entre 4 et 7 % pour les meilleurs du secteur – comparées aux 40 % dégagés par Apple. La réponse ? Pour commencer, les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel, quand bien même poussent-ils sur le terreau fertile du groupe californien. Face au recul des ventes d’iPhone, Tim Cook a déjà commencé à
diversifier son groupe en allant sur le marché de la maison connectée, et sur celui des casques audio. Par ailleurs, les logiciels prennent plus de place et de valeur dans les automobiles modernes et, en la matière, Apple a une avance indéniable. Enfin, et surtout, la firme de Cupertino trône sur un trésor de guerre dépassant les 225 milliards de dollars, de quoi lui donner les moyens de ses ambitions. Ce qui rend aujourd’hui le projet très crédible, c’est, justement, le possible partenariat avec Hyundai. « Apple a compris qu’il était impossible d’appliquer à l’automobile la même logique d’intégration extrême employée pour la fabrication de ses iPhone et iPad », souligne Arnaud Aymé. Tesla, lui, y est bien parvenu… « Certes, mais on oublie qu’ils se sont lancés il y a dix-sept ans », rappelle le consultant. « Et comme l’a expliqué Elon Musk, la montée en production est ce qu’il y a de plus difficile, bien plus que l’aspect technologique. Tesla a d’ailleurs failli en mourir il y a deux ans », poursuit Michaël Valentin. Autre point validant la possible naissance d’une « Apple car », l’information dévoilée par Reuters selon laquelle la marque développerait un nouveau type de batterie lithium-fer-phosphate (LFP), conçue pour réduire le coût de production tout en augmentant l’autonomie de façon significative. Une technologie qui permettrait également de ne pas utiliser de cobalt – présent dans toutes les batteries actuelles – dont « les chaînes d’approvisionnement sont éthiquement complexes, les quantités extraites limitées et les prix élevés », rappelle John Plassard, spécialiste en investissement pour la banque Mirabaud. Une telle rupture technologique pourrait lui ouvrir grand les portes de la voiture électrique. Reste la question du réseau de distribution. S’appuyer sur les concessions Hyundai ? Possible, mais peu probable. « En une dizaine d’années, Apple a su se construire un solide réseau d’Apple Store, et maîtrise les ressorts de la distribution », avance Maxime Puteaux, conseiller principal du cabinet Euroconsult. Sur le papier, Apple semble tout à fait prêt. Reste que le chemin sera long avant de titiller Tesla. Outre l’avance industrielle, le constructeur piloté par Elon Musk a pris une avance considérable en matière de conduite autonome. « Depuis plusieurs années, les Tesla remontent des données enregistrées par l’ordinateur de bord, pour améliorer les systèmes d’aide à la conduite, et il y a aujourd’hui 1 million de ces voitures en circulation », souligne Michaël Valentin. Une certitude : le match Apple-Tesla, s’il a bien lieu, va faire grimper les salaires des ingénieurs de la Silicon Valley !