TRAVERSER LA NUIT
PAR HERVÉ LE CORRE. RIVAGES/NOIR, 321 P., 20,90 €.
Voilà un livre que l’on n’ouvrira pas pour passer un moment léger ou se changer les idées. Il y a ces premiers chapitres, déjà, à franchir. Plus âpres les uns que les autres. Ils mettent aux prises trois personnages, dont les destins vont se croiser. Soit le commandant Jourdan, du SRPJ de Bordeaux, qui découvre dans un appartement trois enfants et leur mère assassinés, le père est en cavale. Vient ensuite Louise, la trentaine, qui élève seule le jeune Sam, tâche de surnager en effectuant des ménages pour de vieilles dames acariâtres, tressaille au moindre message reçu sur son téléphone de peur d’y voir s’afficher le nom de son ex, Lucas. Il y a enfin Christian, qui se réveille un matin dans un squat sordide, du sang tout autour de lui et notamment sur le corps de la jeune prostituée qu’il avait suivie jusque-là. Y a-t-il des motifs d’espoir pour ces personnages ? C’est tout l’enjeu du livre. Trouver une raison de s’accrocher quand tout s’écroule, la vie, le monde alentour, jusqu’au ciel, qui ne cesse de dégouliner. Hervé Le Corre prend le parti d’une radicalité qui peut questionner : fallait-il, par exemple, que le personnage de Louise, femme harcelée, soit en outre affligée d’un deuil familial particulièrement douloureux ? L’auteur, dans ces épaisses ténèbres, cherche le point où les âmes se dérèglent pour de bon, ou bien celui qui les verra renaître. Son empathie, son absence de jugement le lui autorisent, et, par-dessus tout, sa plume. Métaphores fulgurantes, phrases trouvant toujours le rythme nécessaire, dialogues à la justesse absolue. Une leçon d’écriture et un traité de psychologie éprouvants, mais inoubliables.