LE MAL DES RUINES
PAR CLAUDE ARNAUD. GRASSET, 125 P., 15 €.
Mieux vaut y réfléchir à deux fois avant de tuer un prêtre. Un ancêtre de Claude Arnaud avait assassiné le curé d’un village corse, lequel avait juste eu le temps de lui jeter le mauvais oeil avant de rendre l’âme. La malédiction tient toujours : la mère de Claude est morte d’une leucémie à 50 ans, et ses deux frères aînés ont disparu jeunes et tragiquement – l’un en se défenestrant, l’autre en se noyant. Cette histoire familiale était déjà le thème de Qu’as-tu fait de tes frères ? (2010), dont les pages les plus mémorables se rapportaient à la Corse. N’en ayant pas fini avec l’île de Beauté, il lui consacre cette fois-ci un livre entier, ce Mal des ruines qui oscille entre soleil de plomb et zones d’ombre, éden et enfer. Issu par sa mère du clan Zuccarelli, qui a longtemps tenu la mairie de Bastia, Claude Arnaud a d’abord connu le meilleur de la région, les vacances d’été dans des paysages grandioses, avec des oncles truculents transmettant des légendes séculaires. Et puis il y a eu les attentats, la maison plastiquée, ce jour de 2005 où l’on retrouva dans le village un cadavre sans tête… Le premier roman de Claude Arnaud avait pour titre Le Caméléon. Auteur protéiforme, il a publié des essais, des anthologies et des récits autobiographiques. Le Mal des ruines s’inscrit dans cette dernière veine. A Paris, où il vit, il réfléchit à ce que ses racines lui ont laissé. A cheval entre la Corse et le continent, il creuse son incapacité à vivre dans les clous, cette « insularité mentale ». Dans l’écriture de soi, Claude Arnaud s’affirme comme l’un des meilleurs de nos contemporains. Il faut parfois faire une croix sur un prêtre pour voir naître un écrivain.