Pays-Bas Mark Rutte touché, mais pas coulé
Un retentissant scandale aux allocations familiales a contraint le Premier ministre néerlandais à démissionner, à seulement deux mois des élections législatives. Mais il n’a pas perdu ses chances de rebondir.
Ala tête des Pays-Bas depuis 2010, Mark Rutte méritera-t-il toujours, dans deux mois, son surnom de Mister Teflon ? Jusqu’ici, les crises politiques ont toujours glissé sur le costume de cet ancien directeur des ressources humaines du géant de l’agroalimentaire Unilever. Mais aucune ne l’avait mené à présenter la démission de son gouvernement, comme il a dû s’y résoudre le 15 janvier suite à un vaste scandale, sur fond de profilage ethnique. « L’Etat de droit a échoué de manière horrible » et « des milliers de parents » ont vu « leur vie détruite », après avoir été accusés à tort de fraudes dans les années 2010, a-t-il reconnu. « Mais s’il a dit qu’il était formellement responsable, en tant que Premier ministre, il a aussi sous-entendu qu’il ne l’était pas personnellement, relève le politologue Tom van der Meer, qui estime que les électeurs de Rutte, du parti libéral conservateur, le VVD, « ne devraient pas lui reprocher » ce dérapage. Mark Rutte a donc encore des chances de former son quatrième gouvernement après les élections législatives du 17 mars. L’opinion soutient en effet sa gestion de la crise sanitaire et les derniers sondages, début janvier, placent le VVD en tête de la course, avec 22 % à 28 % d’intentions de vote, malgré un rapport parlementaire cinglant sur l’affaire présenté le mois dernier. Il semble par ailleurs peu probable que cette démission profite à l’extrême droite, alors que le parti anti-islam de Geert Wilders, le PVV, se place en deuxième position dans les sondages (15 %). « Les abus des autorités dans la lutte contre la fraude ne sont pas un thème très porteur pour cette mouvance politique », souligne Koen Damhuis, de l’université d’Utrecht. Quant aux partenaires de la coalition de Mark Rutte, ils ne sont pas épargnés non plus par le scandale, que ce soit les conservateurs du CDA ou les libéraux du D66. Contrairement à cinq de ses ministres, Mark Rutte n’est pas ciblé par une plainte de victimes. Pourtant, comme le rappelle le journaliste qui a révélé l’affaire, Jan Kleinnijenhuis, « son gouvernement est à l’origine de la loi qui a rigidifié à l’excès la lutte contre les fraudes, à partir de 2013, ce qui a conduit à ce que la moindre erreur de formulaire oblige des parents à rembourser jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros d’allocations ». « Il avait connaissance des abus des services fiscaux, mais craignait de devoir verser d’énormes indemnisations », assure la députée de gauche radicale Renske Leijten, qui a fait partie de la commission parlementaire sur le sujet. Et compte bien rappeler les torts de l’insubmersible Rutte pendant la campagne électorale.W