L'Express (France)

Le capitalism­e familial, un point noir du modèle français

- JEAN-MARC DANIEL

LE CRÉPUSCULE DES HÉRITIERS

PAR DENYS BRUNEL.

NOUVEAU MONDE, 203 P., 19,90 €. En France, l’entreprise familiale a plutôt bonne presse. Les héritiers, soucieux de maintenir la réputation du fondateur et de s’en montrer dignes, feraient, en fait, preuve à la fois de prudence dans les investisse­ments et de rigueur dans la gestion au quotidien. Dans Le Crépuscule des héritiers, Denys Brunel balaie cette idée. Pour lui, l’Histoire permet d’affirmer que le maintien de la famille aux commandes sur plusieurs génération­s finit par se révéler néfaste, notamment dans le cas des grandes entreprise­s. Ingénieur de formation – il est centralien –, aujourd’hui à la retraite, l’auteur a mené une carrière de dirigeant, dans des secteurs divers avec une dominante dans la grande distributi­on. Certaines sociétés étaient justement des entreprise­s familiales. Fort de cette longue expérience profession­nelle, il développe dans son livre une analyse assez large des faiblesses de l’économie française. A celles générales et connues d’une présence excessive de l’Etat que traduit une fiscalité particuliè­rement lourde, et d’un état d’esprit ambiant hostile à la réussite économique, il ajoute un certain conservati­sme « paysan ». Cet attachemen­t à l’héritage et à la transmissi­on systématiq­ue des patrimoine­s de génération en génération en serait une des manifestat­ions les plus évidentes. Le principe de cette transmissi­on lui paraît injuste, car contraire à l’égalité des chances, qui est à ses yeux l’idéal que la société doit rechercher. Sur le plan pratique, cet attachemen­t aurait aussi démontré toute sa toxicité, en particulie­r dans l’évolution à long terme de notre appareil productif. Pour établir cette nocivité, il retrace dans des chapitres particuliè­rement bien menés l’histoire de quelques grandes sociétés françaises, des Galeries Lafayette à Lagardère, en passant par Dassault ou Auchan, entreprise­s familiales qui ont plus ou moins souffert des affronteme­nts entre les membres de la famille et de l’action de certains hauts responsabl­es qui devaient leur pouvoir davantage à leur nom qu’à leur compétence objective. La conclusion qu’il en tire est qu’il faut cesser de s’enthousias­mer sur d’artificiel­les sagas familiales. De façon concrète, il propose une réforme fiscale alourdissa­nt fortement les droits de succession et permettant de réduire simultaném­ent, grâce aux sommes ainsi collectées, les impôts des entreprise­s. Malgré quelques longueurs et digression­s qui nous éloignent un peu trop de son sujet, le livre, par la thèse originale qu’il défend et par l’argumentat­ion assez convaincan­te qu’il développe, mérite d’être lu et d’être pris en considérat­ion par nos dirigeants politiques.

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