L'Express (France)

Face au Covid, arrêtons les demi-mesures qui nous épuisent !

La France pourrait s’inspirer de l’Australie ou de la Corée du Sud, qui éradiquent le virus, plutôt que de se contenter d’endiguer les contaminat­ions.

- PAR CÉCILE PHILIPPE*

Il est aujourd’hui possible, près d’un an après le premier confinemen­t en France, de distinguer deux manières de gérer le virus : soit on cherche à l’éliminer, soit on pense pouvoir vivre avec. Cela correspond à deux stratégies distinctes, résultant d’une façon différente d’appréhende­r la complexité des risques. Il est probable qu’économique­ment et socialemen­t, il soit plus intelligen­t de fournir un effort très significat­if mais concentré dans le temps, plutôt que de demander des efforts plus mesurés sur une période beaucoup plus longue. De quoi s’agit-il ? Vivre avec le virus peut signifier deux choses. La première consiste à accepter de le laisser se propager jusqu’à ce que la situation devienne hors de contrôle et oblige à ériger de nouvelles mesures contraigna­ntes pour diminuer le niveau de contaminat­ion. L’enjeu consiste à trouver une voie intermédia­ire entre les impératifs sanitaires et les impératifs économique­s, en maintenant autant que possible les interactio­ns sociales (écoles, magasins dits non essentiels ouverts, absence de quarantain­e, etc.), tout en essayant d’endiguer les contaminat­ions.

UNE VIE NORMALE EST POSSIBLE

La seconde version du « vivre avec le virus » consiste à l’éradiquer à chaque fois qu’il resurgit. Il s’agit de l’éliminer immédiatem­ent par des confinemen­ts allant jusqu’à cinq semaines, parfois plus courts, comme en Australie du Sud, qui n’a eu besoin de confiner très sévèrement sa population que pendant six jours au mois de novembre pour éliminer un début de propagatio­n du Covid. Cette stratégie est exigeante. Elle consiste à mettre en place des quarantain­es autour descommuna­utés,àconfiner strictemen­t le temps nécessaire, en ne maintenant que les services essentiels. Une fois le confinemen­t achevé, il est impératif de protéger les communauté­s d’une importatio­n du virus en mettant en place des quarantain­es et en recourant à des tests. Mais, au sein des espaces réellement libérés du virus, retrouver une vie normale est possible. Dans la mesure où les vaccinatio­ns vont prendre du temps et où la question de la durée de l’immunité et la protection contre les nouvelles mutations ne sont pas certaines, il est important de prendre cette stratégie plus au sérieux. N’a-t-on pas vu la Nouvelle-Zélande célébrer le Nouvel An en fanfare comme si de rien n’était ? Au moment où j’écris cette tribune, ce pays n’avait enregistré aucun nouveau cas depuis quatorze jours. Cette stratégie d’éliminatio­n n’empêche pas les confinemen­ts. Elle les rend cependant efcaces en les limitant dans le temps, en évitant les décès et la saturation, et en offrant aux population­s de longues périodes de vie normale.

UNE PANDÉMIE DISRUPTIVE

La circulatio­n de nouvelles souches renforce l’intérêt de l’éliminatio­n. Car les évolutions actuelles du virus suscitent des inquiétude­s concernant leur plus grande contagiosi­té et questionne­nt l’efcacité des anticorps contre les mutations concernées. Le conseil scientifiq­ue évoquait, dans une note du 26 octobre, la stratégie d’éliminatio­n en France. Il y suggérait de s’organiser pour une « suppressio­n généralisé­e » du virus en frappant fort et vite dès que le nombre de cas dépasse le seuil de 5 000 personnes dans l’Hexagone. Ce seuil n’a malheureus­ement jamais été pris en compte, faute de mobilisati­on autour de cette stratégie. De multiples raisons expliquent les réticences à choisir cette voie radicale, notamment le choix de laisser les écoles ouvertes le plus longtemps possible. Encore récemment, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, afrmait qu’elles seraient les dernières à être fermées alors que, dans le monde, les données montrent une circulatio­n importante du Covid chez les enfants. Dès le début de la crise, nous avons fait fausse route en comparant ce virus à celui de la grippe et en refusant de voir que cette pandémie était, au moins pour un temps, disruptive. La France s’est retrouvée tour à tour sans masques, sans tests, sans traçage, sans isolement. Elle a maintenant du mal à vacciner. Cela ne doit pas nous empêcher de nous mettre en ordre de bataille et de nous mobiliser afin de confiner efcacement, éliminer le virus, mettre en place les quarantain­es nécessaire­s pour éviter d’importer les nouvelles souches, et revivre normalemen­t dès lors que ces mesures s’avèrent efcaces. Arrêtons les demimesure­s qui nous épuisent, sans nous donner le répit dont bénéficien­t les habitants de nombreux pays, dont les Néo-Zélandais, les Australien­s ou les Sud-Coréens. * Cécile Philippe est présidente de l'Institut économique Molinari.

La France s’est retrouvée tour à tour sans masques, sans tests, sans traçage, sans isolement. Elle a maintenant du mal à vacciner. Cela ne doit pas nous empêcher de nous mettre en ordre de bataille et de nous mobiliser afin de confiner efficaceme­nt

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