Anne Hidalgo et le pompon élyséen, par François Bazin
Mais qu’est ce qui pousse la maire de Paris à viser 2022, alors que ses chances de succès sont quasi nulles ?
Al’hôtel de ville de Paris, un récent sondage d’intentions de vote pour la prochaine présidentielle a sacrément plombé l’ambiance. Adieu veaux, vaches, cochons, poulets… Anne Hidalgo, qui, depuis quelques semaines, s’échauffait avec le sentiment apparent d’être bientôt en mesure de décrocher le pompon élyséen, a été ramenée, sans ménagement, à la vérité des chiffres : 6 %, selon l’institut Harris Interactive. C’était le score de Benoît Hamon en 2017 sur la ligne d’arrivée. C’est aujourd’hui le maigre socle de tout candidat socialiste sur la ligne de départ. On pourra toujours expliquer qu’un sondage n’est pas une prédiction et qu’il ne faut pas confondre Harris et le PMU, il n’empêche que ce tout petit 6 %, même lu avec les précautions d’usage, montre que la maire de Paris a beau séduire dans son camp, celui-ci reste pour le moment une composante secondaire au sein d’une gauche devenue marginale, toutes tendances confondues.
L’univers du rêve
Ce simple constat, fallait-il attendre pour le faire qu’un sondage le confirme ? Avant même qu’Anne Hidalgo se mette en mouvement, par petites touches, au fil de déclarations ciselées, il était clair en effet que le pari de cette nouvelle ambition, pour ceux qui voulaient bien y croire, reposait sur des bases hasardeuses. Mais, depuis que la victoire d’Emmanuel Macron en 2017 a stupéfié les commentateurs de la vie politique, le moindre acteur de celle-ci semble désormais convaincu que si les règles qu’on croyait établies sont devenues obsolètes, quiconque peut remporter la mise à la seule condition d’en exprimer l’envie. A partir de là, on entre dans un univers qui est celui du rêve. Puisque tout est possible dans un système politique durablement détraqué – ce qui n’est pas faux –, tout obstacle avéré est tenu pour simple nid-de-poule sur le chemin de la gloire – ce qui est pure folie. Dans le cheptel des prétendants officiels ou officieux, Anne Hidalgo n’appartient pourtant pas, jusqu’à preuve du contraire, à la catégorie des allumés, façon Montebourg. On lui prête du sang-froid. Elle a montré plus souvent qu’à son tour qu’en campagne, elle ne manquait ni de vista ni de réalisme. Son statut n’est pas de second rang, et elle bénéficie ainsi d’un capital personnel qui n’est pas négligeable. Elle jouit d’une réputation contrastée mais réelle. Son écolosocialisme est une ligne porteuse. On peut donc comprendre qu’elle ait été tentée par de nouvelles et plus hautes ambitions au lendemain de son succès municipal. On voit mal en revanche ce qui l’a décidé à s’avancer, sauf à croire qu’en se découvrant aussi clairement, elle ne faisait que prendre – première hypothèse – la température de la piscine élyséenne, quitte à en conclure qu’elle était trop glacée pour y mettre davantage que le bout du pied.
Changer sa nature
Du temps où elle clamait sur tous les toits que Paris était et resterait son unique amour, Anne Hidalgo expliquait en privé que le rendezvous de 2022 ne figurait pas sur son agenda politique, et cela pour une double raison : la préparation de Jeux olympiques, trop délicate à ses yeux pour supporter un choc frontal avec le pouvoir macronien ; et l’état de division de la gauche, qui empêchait, selon elle, la seule option possiblement gagnante d’une candidature commune des socialistes et des Verts. A priori, ces obstacles demeurent, et on ne voit pas ce qui pourrait les lever dans les mois à venir. Avertie désormais de sa cote au départ de la course – bien moins de 10 % en étant généreux –, Anne Hidalgo, dès lors qu’on considère qu’elle reste un être de raison, ne peut persévérer dans son ambition qu’en en changeant la nature. Peut-être est-ce là – seconde hypothèse – la vraie clef d’explication de son comportement. Si Anne Hidalgo se lance, n’est-ce pas surtout pour rétablir, au sein de la gauche, d’anciennes hiérarchies et redonner du même coup au PS, autour d’un nouveau porte-drapeau, le rôle pivot qui fut autrefois facteur d’une alternance possible ? Dans ce schéma-là, l’objectif revisité, autrement plus atteignable au terme d’une campagne bien menée, est de tangenter la barre des 15 % au premier tour. Cet espace électoral existe sur le papier. Il n’est pas donné d’avance. Il passe par la reconquête d’électeurs de gauche qu’Emmanuel Macron séduit encore, et par la conquête d’électeurs écolos rebutés par la ligne très identitaire qui sera probablement celle de leur futur candidat. Tout cela est fragile, donc risqué, mais quand même jouable. Est-ce la vraie carte d’Hidalgo ? Si tel est le cas, et on ne tardera pas à le savoir, il faudra alors en conclure que, pour les années à venir, la maire de Paris, insatisfaite de n’être que cela, se rêve en leader de l’opposition de gauche et non en prochaine présidente.