L'Express (France)

Pour le régime de La Havane, Biden ne vaut pas mieux que Trump

- AXEL GYLDÉN

Six ans après le dégel amorcé par Obama, une nouvelle phase s’ouvre avec le retour d’un président démocrate à Washington.

La victoire de Joe Biden et le retour des démocrates aux affaires ne sont pas forcément de bonnes nouvelles pour le régime de La Havane. Certes, depuis quatre ans, Donald Trump a multiplié les sanctions pour affaiblir l’économie cubaine en frappant les secteurs du tourisme, du petit commerce, de la finance, en interdisan­t les transferts de cash et les voyages sur l’île et, le 12 janvier, en la plaçant sur la liste infamante des pays qui soutiennen­t directemen­t le terrorisme, au côté de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Syrie. Mais cette posture maximalist­e n’était pas pour déplaire aux dirigeants castristes, dont le discours se nourrit depuis toujours de la victimisat­ion face à « l’Empire » et de l’hystérisat­ion du conflit entre les deux pays. « Aucun doute, la politique de Donald Trump a aidé les secteurs du pouvoir cubain favorables à l’immobilism­e », explique au téléphone Manuel Cuesta Morua, historien et célèbre dissident afro-cubain, qui prône une transition pacifique par la voie électorale. « En réalité, poursuit l’intellectu­el, Barack Obama, avec sa politique de la main tendue, a fait davantage pour affaiblir le régime que toutes les sanctions de Trump. » Sur l’île, le souvenir de son voyage à Cuba en 2015 et de son discours à la télévision publique locale perdure. « Lorsque les Cubains ont vu cet AfroAméric­ain leur expliquer qu’ils devaient résoudre leurs problèmes par eux-mêmes et que les Etats-Unis n’étaient pas leur ennemi, la mythologie castriste a reçu du plomb dans l’aile. Le développem­ent quotidien des échanges familiaux et commerciau­x – notamment entre autoentrep­reneurs cubains et patrons de PME de Floride –, qui s’est ensuivi, a considérab­lement fait évoluer les mentalités », dit encore Cuesta Morua, qui espère voir Joe Biden reprendre les choses là où Barack Obama les a laissées. Il n’est pas dit que le Parti communiste cubain l’entende de cette oreille. L’intitulé de son VIIIe congrès, prévu pour avril prochain, n’est guère encouragea­nt : « Congrès de la continuité historique » ! Fait symbolique : Raul Castro, 89 ans, premier secrétaire du parti, et José Ramon Machado Ventura, 90 ans, deuxième secrétaire, abandonner­ont alors leur fonction. Simultaném­ent ou presque, l’administra­tion Biden mettra en oeuvre sa « nouvelle politique » à l’égard de Cuba. « Elle repose sur deux principes, a fait savoir la porte-parole de la Maison-Blanche. Le premier, le soutien à la démocratie et aux droits de l’homme. Le second, les Américains d’origine cubaine, qui ont toujours de la famille sur place, sont les meilleurs ambassadeu­rs de la liberté à Cuba. » Un tournant ? Espérons-le. Car, selon l’ONG Prisoners Defenders, plus de 100 détenus politiques (Denis Solis, Luis Robles, Aymara Nieto…) croupissen­t toujours dans les prisons de l’île. Sans compter les 8 500 « asociaux », jeunes pour la plupart coupables de rien, mais dont « l’attitude est en contradict­ion avec la morale socialiste », et qui présentent, selon le jargon de la dictature, « une dangerosit­é sociale prédélictu­elle ». Et qu’à ce titre, par précaution, il faut jeter en prison…

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L’opposant Manuel Cuesta Morua : « Trump a fait le jeu du castrisme. »

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