L'Express (France)

La voiture a encore la cote

Plus sûre que les transports en commun quant aux risques infectieux, l’automobile tient son rang et fait même naître de nouveaux usages.

- PAR STÉPHANE BARGE

Cette nuit-là, les coups de klaxon, appels de phares et balais d’essuie-glace ont accompagné les transes du DJ devant ses platines. Garés sur le parking d’une boîte de nuit de Basse-Saxe, en Allemagne, plusieurs centaines de fêtards s’étaient réunis, début mai, pour guincher… sans sortir de leur voiture. Limitée à deux passagers par véhicule, cette rave party en mode drive-in – une première mondiale – diffusait directemen­t la musique sur les autoradios. « Génial, glissait une des participan­tes à l’agence de presse Reuters. On peut enfin se défouler malgré la fermeture des discothèqu­es pour cause de coronaviru­s.

» Vous l’imaginiez dépassée, futile ou polluante ? Depuis le début de la pandémie, la cote de l’automobile n’a cessé de grimper, au détriment des transports en commun. « Alors que le temps de trajet et le coût du déplacemen­t constituai­ent jusqu’ici les principaux critères pour choisir leur mode de transport, les usagers sont désormais obnubilés par les risques d’infection, ce qui les amène à préférer la voiture individuel­le aux transports publics », note le cabinet McKinsey dans un récent rapport. Même l’autopartag­e en pâtit. Selon le Boston Consulting Group, 63 % des consommate­urs européens ont prévu, au moins pour un temps, de se déplacer seuls dans leur propre véhicule.

Si ce nouvel appétit pour la mobilité individuel­le profite aussi à la marche et au vélo, l’automobile conserve l’avantage pour les tâches quotidienn­es – faire les courses, par exemple – et pour répondre à « l’appel de la campagne », qui amène les citadins à s’éloigner des villes pour se mettre au vert le temps d’un week-end… ou d’un confinemen­t.

Faisant office de bulle protectric­e, la voiture individuel­le favorise aussi la poursuite de certaines activités compromise­s par les restrictio­ns sanitaires. Aux Etats-Unis, une boîte de strip-tease de Portland (Oregon) a ainsi échappé à la faillite en se reconverti­ssant en restaurant drive-in. En attendant leur commande, derrière leur volant, les clients assistent au show des go-go dancers sur le parking.

« Nous regarder nous trémousser à 2 mètres de distance, c’est le seul spectacle vivant dont ils peuvent profiter en ce moment », ironise une des filles dans le New York Magazine. Plus conformist­e, cette fois : devant la menace pesant sur les traditionn­els marchés de Noël, les commerçant­s de Landshut, en Allemagne, ont convaincu les autorités locales de maintenir le leur en réservant son accès aux badauds déambulant en berline. En France, des concerts, des projection­s de film et même des ateliers de lecture ont été organisés en voiture, pour pallier l’annulation des festivals et la fermeture des salles de cinéma. Sans oublier cette messe, célébrée en mai sur le parking du hall des exposition­s de Châlons-enChampagn­e, dans la Marne, devant quelque 500 fidèles motorisés.

Tremblez, aficionado­s de la trottinett­e ! Car cette foi en nos guimbardes n’a rien d’éphémère. « On ne pourra jamais complèteme­nt abandonner la liberté que procure la voiture dans nos déplacemen­ts », pensent 65 % des Français sondés par l’ObSoCo et le cabinet d’études et de prospectiv­e Chronos dans le cadre du dernier Observatoi­re des mobilités émergentes (Ademe, 2020). Signe que l’automobile ne semble décidément pas prête pour la casse – n’en déplaise à ses détracteur­s.

 ??  ?? Un ciné-parc a ravi les Cannois, en mai 2020.
Un ciné-parc a ravi les Cannois, en mai 2020.
 ??  ?? Des fidèles communient à bord de leur véhicule, dans la Marne.
Des fidèles communient à bord de leur véhicule, dans la Marne.

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