La voiture a encore la cote
Plus sûre que les transports en commun quant aux risques infectieux, l’automobile tient son rang et fait même naître de nouveaux usages.
Cette nuit-là, les coups de klaxon, appels de phares et balais d’essuie-glace ont accompagné les transes du DJ devant ses platines. Garés sur le parking d’une boîte de nuit de Basse-Saxe, en Allemagne, plusieurs centaines de fêtards s’étaient réunis, début mai, pour guincher… sans sortir de leur voiture. Limitée à deux passagers par véhicule, cette rave party en mode drive-in – une première mondiale – diffusait directement la musique sur les autoradios. « Génial, glissait une des participantes à l’agence de presse Reuters. On peut enfin se défouler malgré la fermeture des discothèques pour cause de coronavirus.
» Vous l’imaginiez dépassée, futile ou polluante ? Depuis le début de la pandémie, la cote de l’automobile n’a cessé de grimper, au détriment des transports en commun. « Alors que le temps de trajet et le coût du déplacement constituaient jusqu’ici les principaux critères pour choisir leur mode de transport, les usagers sont désormais obnubilés par les risques d’infection, ce qui les amène à préférer la voiture individuelle aux transports publics », note le cabinet McKinsey dans un récent rapport. Même l’autopartage en pâtit. Selon le Boston Consulting Group, 63 % des consommateurs européens ont prévu, au moins pour un temps, de se déplacer seuls dans leur propre véhicule.
Si ce nouvel appétit pour la mobilité individuelle profite aussi à la marche et au vélo, l’automobile conserve l’avantage pour les tâches quotidiennes – faire les courses, par exemple – et pour répondre à « l’appel de la campagne », qui amène les citadins à s’éloigner des villes pour se mettre au vert le temps d’un week-end… ou d’un confinement.
Faisant office de bulle protectrice, la voiture individuelle favorise aussi la poursuite de certaines activités compromises par les restrictions sanitaires. Aux Etats-Unis, une boîte de strip-tease de Portland (Oregon) a ainsi échappé à la faillite en se reconvertissant en restaurant drive-in. En attendant leur commande, derrière leur volant, les clients assistent au show des go-go dancers sur le parking.
« Nous regarder nous trémousser à 2 mètres de distance, c’est le seul spectacle vivant dont ils peuvent profiter en ce moment », ironise une des filles dans le New York Magazine. Plus conformiste, cette fois : devant la menace pesant sur les traditionnels marchés de Noël, les commerçants de Landshut, en Allemagne, ont convaincu les autorités locales de maintenir le leur en réservant son accès aux badauds déambulant en berline. En France, des concerts, des projections de film et même des ateliers de lecture ont été organisés en voiture, pour pallier l’annulation des festivals et la fermeture des salles de cinéma. Sans oublier cette messe, célébrée en mai sur le parking du hall des expositions de Châlons-enChampagne, dans la Marne, devant quelque 500 fidèles motorisés.
Tremblez, aficionados de la trottinette ! Car cette foi en nos guimbardes n’a rien d’éphémère. « On ne pourra jamais complètement abandonner la liberté que procure la voiture dans nos déplacements », pensent 65 % des Français sondés par l’ObSoCo et le cabinet d’études et de prospective Chronos dans le cadre du dernier Observatoire des mobilités émergentes (Ademe, 2020). Signe que l’automobile ne semble décidément pas prête pour la casse – n’en déplaise à ses détracteurs.