Capteurs : l’autre révolution quantique
En attendant l’ordinateur ultime, les propriétés des atomes serviront à fabriquer de nouveaux instruments de mesure très utiles pour la science.
L’ordinateur quantique permet à l’homme de rêver d’une puissance de calcul infinie. D’un outil lui donnant la possibilité de tout modéliser : des conséquences climatiques complexes aux moindres neurones d’un cerveau. Mais, dans les laboratoires, on planche aussi sur des capteurs quantiques, des outils de mesure extrêmement précis, utilisant les propriétés des atomes. Bien moins médiatisée, cette branche de la recherche pourrait paraître moins noble. Elle est pourtant vitale, et la plus avancée. « Avec ces appareils d’un nouveau genre, nous allons sonder les profondeurs de la Terre, étudier les champs magnétiques ou guider des engins avec une précision inégalée », se félicite Marko Erman, directeur scientifique du groupe Thales. Selon lui, une véritable révolution de la métrologie est en marche. Et il ne faudra pas longtemps avant d’en percevoir les effets, car les premiers modèles sont déjà opérationnels. « Cette technologie arrive à maturité. Il faut dire que de nombreux scientifiques y travaillent depuis plusieurs décennies », confirme Alain Aspect, professeur à l’Institut d’optique Graduate School de l’université Paris-Saclay et à l’Ecole polytechnique. Au sommet de l’Etna, en Sicile, la start-up française Muquans a déjà installé son gravimètre dit « à atomes froids ». Vu de l’extérieur, l’objet paraît banal : il s’agit d’un cylindre de 70 centimètres de haut relié à un bloc de métal un peu plus gros rempli d’électronique. Mais à l’intérieur, un étonnant procédé est à l’oeuvre : « On y refroidit un nuage d’atomes par laser, jusqu’à atteindre une très basse température (environ un millionième de degré au-dessus du zéro absolu). Cela permet ensuite de calculer avec une très grande exactitude la gravité à laquelle ils sont soumis », explique Arnaud Landragin, chercheur au CNRS, directeur du laboratoire Systèmes de référence temps-espace, et cofondateur de la société. A quoi cette information va-t-elle servir ? « Avant un tremblement de terre, les plaques tectoniques se déforment légèrement, ce qui crée au-dessus d’elles un accroissement de la pesanteur », détaille le spécialiste. Grâce à sa sensibilité quantique, le capteur discerne d’infimes variations du séisme. « On n’en est pas encore à prévoir précisément les secousses telluriques ; aucun système, à l’heure actuelle, n’en est capable, insiste Arnaud Landragin,